1 XVII° SIECLE B Le grand siècle de la course est aussi celui des troubles intérieurs. UNE MONARCHIE ELECTIVE Les Pachas, véritables gouverneurs ou vice-rois, étaient sans doute accueillis en Alger avec de grands honneurs,, mais leur autorité était mal acceptée par les Raïs et les Janissaires. (Lest. 43). L'Agha des Janissaires, à la tête de 15.000 hommes, prit une place prépondérante aux dépens du Pacha dont les attributions devinrent surtout honorifiques- En 1671, la corporation des Raïs, profitant de la confusion qui régnait dans les affaires de l'Etat, imposa à la Régence un nouveau chef qui prit le titre de Dey (gravure 13). Cependant, à partir de 1689, les Deys furent choisis par la Milice des Janissaires. Alger devint alors une sorte de monarchie élective où « l'assassinat fut érigé comme procédure de succes- sion » (Julien). De 1671 à 1830, 30 Deys se succédèrent ; sur ce nombre. 14 arrivèrent au pouvoir à la suite de l'assassinat de leur prédécesseur (Lect. 44). Le Dey était désigné à vie, et le plus humble des Janissaires pouvait aspirer à cette dignité. Son pouvoir, en principe contrôlé par le Divan. était en réalité un pouvoir absolu. DEVELOPPEMENT DE LA PIRATERIE UN NOUVEAU TYPE DE NAVIRE. Au début du XVIlème siècle, la flotte d'Alger Était surtout constituée de galères, bateaux es- sentiellement à rames. (gravures 17 - 18) (Lect. 45). Vers 1606, un renégat hollandais, Simon Dansa, initia les corsaires de la Régence à la construc- tion et à la manoeuvre de véritables voiliers appelés aussi « bateaux ronds » du fait qu'ils étaient seulement 3 ou 4 fois plus longs que larges, alors que ce rapport variait de 6 à 9 sur les galères ou « bateaux longs ». (Lect. 46). En 1634, le P. Dan compte dans le port d'Alger. 13 ba- teaux longs (galères, brigantins) et 70 bateaux ronds. (polacres, grandes barques, tartanes, fis- tres) . Conséquences de cette transformation Toute la Méditerranée devint accessible aux pirates qui guerroyèrent jusqu'à Smyrne, Chypre, Alexandrie ; ils purent aussi atteindre des régions encore plus lointaines comme l'Atlantique Nord. En 1617, le Raïs Mourad ravage les côtes de l'Islande. 1617. les Corsaires d'Alger attaquent l'île de Madère et emportent jusqu'au cloches des Eglises. 1624, « ceux d'Alger » se joignent à « ccux de Salé » (Maroc) pour donner la chasse aux pê- cheurs de Terre Neuve. ils vont même ji sque sur les côtes d'Acadie (Nouvelle Ecosse). 1631, ils patrouillent dans le canal do Saint-Georges et attaquent les navires entre l'Angle- terre et l'Irlande. REACTIONS DES PUISSANCES EUROPEENNES. L'insécurité en mer devenait totale. Diverses mesures _furent appliquées par les marines européennes - Armement des bâtiments marchands, Organisation de convois, semblables à ceux organisés contre les sous-marins dans les guerres modernes. - Croisières annuellc-, sur les théâtres d'opérations des corsaires. à la sorte du Détroit de Gibral- tar pour leur interdire i'Atlcnrique, le '.ong des côtes d'Espagne, du cap Finisterre au cap Saint- Vincent, pour protéger les navires européens faisant route vers le Sud. Bombardement des ports des pirates ; pour sa part, Alger fut bombardée au XVIIème siècle par de nombreuses escadres : Les Anglais en 1622-1665-1672. les Hollandais on 1672 avec l'amiral Ruyter, les Français en 1665 avec Beaufort. en 1689 avec le Chevalier Paul, en 1682-83 avec Duquesne et en 1688 avec d'Es. trées. C'est en représailles du bombardement de 1683 que les Turcs firent subir au Père Levacher le supplice du canon. - Il faut ajouter aussi les descentes à terre, le long des côtes d'Afrique du Nord, comme par exem- ple la tentative d'occupation de Djidjelli en 16,9,4 par un corps expéditionnaire français. Les résultats obtenus étaient sans rapport avec les sacrifices consentis. Certaines actions répres- sives, les bombardements en particulier, avaient surtout pour but d'appuyer des négociations pour le rachat des esclaves ou d'obtenir d'éphémères traités d'alliance. La plupart des diplomaties européennes s'efforçaient d'acheter la paix avec Alger par des ca- deaux adroitement distribués dans l'entourage du Dey, ou par le paiement d'un véritable tri- but annuel. De plus, certaines puissances protestantes, l'Angleterre et surtout la Hollande, fu- rent comme un arsenal de la piraterie africaine. ENRICHISSEMENT ET INSOLENCE DES RAIS. - De 1628 à 1634, les pirates d'Alger capturèrent. aux Fronçais seulement, 80 vaisseaux évalués avec leur cargaison ù 4 millions 752 mille livres ; de plus. ils avaient pris et mené en Alger, 1331 personnes. - Grands pourvoyeurs des marchés de la Régence et des caisses de l'Etat, ils prétendirent - imposer aux Janissaires les Deys de leur choix, ce qu'ils firent de 1671 à 1689 (Lect. 47). - s'affranchir du pouvoir central auquel ils consentaient tout au plus à verser 10% de leurs prises. Les Raïs opulents se firent bâtir des maisons belles et spacieuses des palais en ville ou à la cam- pagne. (Lect. 48). ALGER AU XVIIe SIECLE LE SITE - Alger, bâtie sur une colline. avait approximativement la forme d'un triangle. comme on peut s'en rendre compte en observant les vues aériennes de la vieille ville. C'est pourquoi on l'a comparée à « un vaste terrain couvert de linge blanc. à la voile d'un hunier de vaisseau, à une vaste carrière de craie ouverte sur le penchant d'une montagne ». (Lect. 49). - Ceinturée de remparts, défendue par ses portes et ses forts, elle ressemblait à une cité moyenâ- geuse aux rues étroites et sombres. (gravures et commentaires 3-4-6-8-9). (Lect. 50). EMBELLISSEMENTS ET MONUMENTS PUBLICS - Dans la ville enrichie par la course. les 'î u-cs firent procéder à certains travaux d'utilité pu- blique Construction de l'aqueduc du Hamirapar un Maure Andalou (1610). - Multiplication des fontaines pub1i..ues; on en comptait une centaine. Aménagement d'un système d'égouts par canalisations en 1634. - On construisit aussi de nombreux édifices religieux, entre autres. les mosquées de - Ali-Bitchnin (1662) convertie en Egli•;e N. D. des Victoires, - La Pêcherie (1660), Djamaû el-Djedid, construite par la Milice, le monument turc le plus imposant d'Alger (gravure 12). - Sidi Abd er-Rahman (1696) qui renferme les restes du grand Docteur de l'Islam. patron d'Alger, né en 1387- - Mezzo-Morto, bâtie par un renégat italien, près de la Porte Bab-Azoun et détruite lors du percement de la rue du même nom (gravure 4 et calque). LA POPULATION CAUSES DE SON ACCROISSEMENT AU XVIIème SIECLE. - En 1850, selon Haëdo, la ville comptait 60.000 habitants. En 1634. P. Dan put dénombrez 100.000 personnes auxquelles il fallait ajouter 25 à 30.000 esclaves. - Au XVIème siècle. Alger avait déjà bénéficié de l'apport de nombreux Musulmans et de Juifs venus d'Espagne. - Cependant, les fameux Edits de 1609-1610 équivalents espagnols de la Révocation de l'Edit de Nantes, déclenchèrent de grands mouvements de populations. Ils enjoignaient en effet « à tous ceux, qui pour quelque raison et à quelque époque que ce fût avaient été Musulmans, de quit- ter immédiatement le pays ». - Au lieu de gagner la Turquie comme le commandaient les Edits, la plupart passèrent en Afri- que du Nord et trouvèrent asile dans les principales villes du littoral qu'ils enrichirent de leur activité : Alger, Bougie, et surtout Tunis ; ainsi que dans la vallée de la. Medjerda : Tebourba, Testour, et Kalaat el-Andaleus, au nom significatif. Ceux d'Estramadure, s'installèrent à Salé (Maroc) qui devint alors le plus grand centre de pi- raterie de l'Atlantique. PRINCIPAUX ELEMENTS DE LA POPULATION. - Les Turcs « de profession » ou d'origine. ér angers à la ville qu'ils dominaient, constituaient la la Milice, la Taïfa des Raïs et l'ensemble d---s fonctionnaires civils. Ils se mêlaient assez peu au resie de la population, et les Kouloughl isvus c'e -nariages de Janissaires avec des Mauresques, n'étaient pas considérés cou mne T orc;r. Plusieurs milliers de Corses vivaient en Alger, ils avaient en effet préféré quitter leur île plutôt que d'accepter la domination génoise. (1559). (Lect 51). Les Maures ou Hadhrs, Algérois d'origine, cu réfugiés espagnols. surtout artisans : arquebu- siers, serruriers,, charpentiers, maçons. cordonniers.. potiers ou commerçants. Un quartier d'Al- ger porte encore le nom des « Tagarins », Maures de Catalogne, qui en 161' s'installèrent hors de la ville. Aux Juifs autochtones, fixés en Afrique du Nord depuis des siècles, le grand exode de 1609 ajouta des immigrants espagnols qui « apportaient, avec l'intelligence, la richesse, la scien- ce. l'aptitude au commerce et à l'industrie ». (Lespès). Ils étaient tailleurs, bijoutiers en corail, orfèvres, frappeurs de monnaie, etc... Les Juifs d'Alger devaient porter des vêtements de cou- leur sombre. payer un impôt collectif ou djezya. s'abstenir de monter à cheval ou de porter des armes, etc-.- Ils pouvaient cependant se livrer aux diverses activités artisanales ou commercia- les et vivre selon leurs lois religieuses. Les Baranis ou gens de l'intérieur du pays Kabyles, ouvriers, maçons. journaliers. Biskris, Arabes originaires de Biskra et des oasis des Zibans, porteurs d'eau. portefaix, char- gés également de la police de nuit (Lect.52). Mzabites, originaires des oasis du Sud, pourvoyeurs d'esclaves noirs, avaient le monopole des bains maures. boucheries, et moulins. Laghouatis, de Laghouat, spécialisés dans l'épuration et le trafic de l'huile. Nègres, esclaves, domestiques, manoeuvres, âniers... Chacune de ces communautés (sauf les Kabyles). était placée sous l'autorité d'un chef respon- sable devant l'autorité turque. LA VIE ECONOMIQUE LES ARTISANS D'ALGER. Dans les souks d'El-Djezaïr, sur l'actuelle Place du Gouvernement, de nombreux artisans fabri- quaient certains objets vendus dans les tribus des environs : Babouches, chéchias, calottes de velours, coffres enluminés, ceintures, harnachements, lits de parade, serrures. A Bab et Oued, des poteries grossières, des briques et de la chaux. (Lect. 53). Ces artisans étaient groupés en corporations, à la tête de chacune d'elles se trouva t un chef ou amîn. Aujourd'hui encore. autour de la Place du Gouvernement, dans les rues de la Lyre, Blondel et les ruelles avoisinantes, des brodeurs, des ciseleurs. des fileurs d'or continuent la tradition des artisans d'autrefois. LE COMMERCE. Commerce intérieur Alger grand centre c' e consommation attirait des caravanes venues du Sahel, de Kabylie, du du Sud ou même du Maroc. qui y ap_cporta*ent les denrée': les plus diverses ; fruits et légumes - 58, - huile, bétail, tabac. cuirs, etc... Ces caravanes de chameaux, d'ânes et de mulets campaient principalement devant la porte Bab-Azounou s'installaient dans les fondouks, sortes de cara- vansérails, qui accueillaient les voyageurs et leurs montures. Des marchés assuraient la distri- bution de ces provisions. Commerce extérieur Le trafic des esclaves et des prises constituait l'essentiel de:; exportations d'Alger. En plus des cuirs, laines et cire dont le Dey monopolisait le commerce, Alger exportait quelques produits lo- caux : figues, dattes, « Alger ne nous rapporte rien » écrit en 1699 le Consul de France à la Chambre de Commerce de Marseille. Alger importait de France : la mercerie, les cotonnades, le fer, les clous, la coutellerie, les armes, des sirops et des confitures ; d'Angleterre : les armes et les munitions - d'Orient : les tapis. les poignards, les narghilés et« tous les objets affectionnés des Raïs et qui servaient à la parure de leur personne ou à celle de leurs femmes ». (Lespès). CONCLUSION L'âge d'or de la course fut aussi une péricde de troubles politiques, qui aboutirent à un re- lâchement des liens avec Constantinople. - Cependant, Alger n'était pas seulement une cité de corsaires, la capitale de la Régence avait aussi ses souks, ses médersas, ses mosquées, témoignages d'une activité dcoocomique et religieu- se non négligeable. LES EUROPEENS DANS LA REGENCE Ils vivaient à l'écart de la population autochtone et n avaient avec les Turcs stuc des relations administratives. `. ES CONSULS FT LEUR PERSONNEL s Considérés comme des otages. ils ne pouvaient porter d'épée ni en ville, ni chez le Dey, oit ils étaient reçus debout sur leurs jambes ». (Venture de Paradis. Le Consul de France était le plus important. Nommé par le Roi. payé par !a Chambre de Com- merce de Marseille : Il rendait hommage au Dey et à son entourage, (nombreux cadeaux en toutes occa- sions : nomination, naissance, fête. victoire, etc.. ). Réglait les incidents, Jugeait les résidents au civil et au criminel. Négociait certains rachats, etc... A partir de 1646, le Consulat de France fut confié aux Lazaristes, Colbert le leur retira en 1661 pour le donner à des fonctionnaires. LES COMMERÇANTS Ils étaient peu nombreux- en dehors des Elablissements français de l'Est : La Calle, Tabarka, Bastion de France, Bône. (carte 12). A l'exportation des cuir•.. et céréales, ils joignaient le monopole de la pêche du corail (gravure 22), (Lest. 54) ; il leur arrivait aussi de pratiquer l'usure auprès des esclaves. - Les cormrrnerçants français ne pouvaient s'irstaller en Afrique ou dans les « Echelles du Levant » qu'avec l'autorisation de la Chambre de Commerce de Marseille, après le dépôt d'un caution- rreinerri. LES RELIGIEUX Lazaristes, Trinitaires, Redemptoristes,, mêlés aux esclaves, ou en mission de rachat. - 59 - LA REGENCE D'ALGER ET L'EUROPE POLITIQUE ETRANGERE. DE LA REGENCE : - Au XVIIême siècle, la Régence négocie des traités et pratique une politique étrangère autono- me : Le Bastion de France est incendié en 1604 alors que la Porte de Constantinople accepte de renouveler les Capitulations avec la France. D'ailleurs, le Dey n'accepte de s'engager qu'avec une puissance à la fois, ce qui permet aux corsaires de s'attaquer aux navires de toutes les autres. La paix signée, en 1670 avec Louis XIV amène une recrudescence de la course contre les Hollandais et les Anglais. La paix de 1681 avec les Anglais déclenche une reprise de la piraterie contre la France. - Quant aux puissances européennes, elles s'efforcent d'améliorer leur position économique dans la Régence et d'obtenir des conditions avantageuses pour le rachat des captifs. Des manifesta- tions de force viennent parfois appuyer les arguments des diplomates. - Cependant. certaines puissances n'hésitent pas à ménager les Barbaresques pour s'en faire des alliés contre un adversaire éventuel. C'est ainsi que les Hollandais arment les Turcs et ac- cueillent les navires d'Alger et de Salé dans les ports des Pays-Bas. Les Turcs ne sont-ils pas en- nemis des Espagnols ? - Une subtile politique d'équilibre méditerranéen impliquait le maintien des corsaires algériens malgré l'irritant problème de la course. Ils bénéficiaient d'ailleurs d'une active contrebande d'armes, et la piraterie n'entraînait nullement la suppression de relations commerciales régu- lières avec les nations dont les navires étaient pillés. LOUIS XIV ET LA REGENCE D'ALGER Comme dans ses relations avec Constantinople, Louis XIV fut guidé par ses inspirations diver- ses où l'on retrouve l'influence des « dévôts » (duchesse d'Aiguillon, Vincent de Paul, la com- pagnie de jésus) et celle de Colbert. Louis XIV voulait en effet, imposer le respect de son pavillon en Méditerranée , conserver les avantages économiques reconnus à la France sur les côtes Est de la Régence, mais aussi faire honneur à ses obligations de Souverain chrétien qui, aux yeux de la Catholicité, devait « assu- rer la vengeance sur les Turcs par la justice de ses armes ». (P. Dan). Il lui fallait aussi veiller au maintien 'de l'alliance traditionnelle avec l'Empire Ottoman. Les « dévôts » triomphèrent d'abord, puis, après la mort de Saint Vincent de Paul, l'influence de Colbert devint prépondérante, et il retira les Consulats d'Afrique aux Lazaristes pour les con- fier à des fonctionnaires- Dans tous les cas. le Roi fut amené à manifester sa puissance par des expéditions et des actions de guerre : 1661-1665 - Bombardement d'Alger. 1664 - Tentative d'occupation de Djidjelli. 1682-1683 - Duquesne bombarde Alger. 1688 - Bombardement d'Alger par d'Estrée . L'action de Duquesne fut sans doute la plus importante par ses conséquences ; elle devait en ef- fet aboutir au traité peu connu dit « de Tourville ». Duquesne exigeait la libération de tous les Chrétiens captifs en Alger, pris sur des bateaux français. En représailles du bombardement de la ville (26-27 Juin 1683), le Père Levacher, qui avait pourtant acquis une grande autorité au- près des Turcs, subit le supplice du canon, ainsi que vingt résidents français. Duquesne regagna la France et laissa le Chevalier de Tourville en croisière le long des côtes de la Régence. Celui-ci, pressenti par Mezzo Morto, devenu Dey après l'exécution de son prédéces- seur, négocia un traité qui fut signé le 25 Avril 1684. Ce traité, dit « de Tourville » devait, selon ses auteurs, assurer une paix de cent ans. (Lect. 55). Il servit de base aux conventions qui in- tervinrent ultérieurement entre la France etla Régence d'Alger. XVII SIECLE LECTURES 43. - ALGER ACCUEILLE UN NOUVEAU PACHA Le lundi suivant arriva de Constantinople ou de la Porte du Grand Seigneur, un nouveau Pacha pour être vice roi d'Alger, au devant duquel la ville envoya deux galères mieux équipées qu'à l'ordinai- re pour lui faire honneur. L'entrée qu'on lui fit me sembla fort belle et j'en remarquai assez bien les cé- rémonies qui furent telles : les officiers du Divan assemblés en corps au nombre de 1500 le furent re- cevoir, où comme il descendait de la galère, furent tirés plus de 1500 coups de canon tant des forteres- ses de la ville, que de tous les navires de course dont il y en avait plus de 40 prêts taire voile. 1) Marchait l'Agha accompagné de deux tambours et des chaouchs du Divan. 2) Suivaient l'écrivain et les 24 prin--ipaux conseillers d'Etat. 3) Allaient deux à deux les capitaines des Janissaires avec leurs grandes prunes sur le turban. 4) Tenaient rang les lieutenants ou caporaux de la milice. 5 Marchaient après eux six joueurs de hautbois à la turiue ave: certains Maures mêlés parmi, dont les uns jouaient des cymbales, les autres des flûtes et tous ensemble faisaient un bruit étrange, que si cela se devait appeler harmonie, j avoue que celle-ci était plus -capable de faire peur que de donner du plaisir hormis à. eu : qui avaient accoutumé d'ouïr de si étranges con- certs. Suivait le nouveau Pacha, couvert pou;- marque clé paix d'une grande veste blanche. Il montaitt un barbe extrêmement beau, richement harnaché ; car il avait un frontail d'argent tout semé de pier- rcries, le mors et les étriers de même, la bride et les rênes de soie, toutes chargées de turquoises et -ne housse de broderie artistement travaillée. En cet équipage et en cet ordre, il fit son entrée dans la ville et y fut mené au logis qui est destiné pour les Pachas, que l'on appelle maison- du Roi. P. DAN (Op. cité) 44. - ASSASSINAT D'AHMED PACHA PAR LES JANISSAIRES (1808) Je fréquentais alors une école sise vis à vis les Bains de la Djenina, au quartier de la Chemaïn, et. dont remplacement se trouve dans la rue Djenina.Un jour, nous entendîmes une sourde rumeur, puis de violentes clameurs éclatèrent et enfin, de toutes parts, la fusillade retentit. Le palais était assiégé, les Janissaires l'entouraient envoyant des balles à toutes les issues. Mais portes et fenêtres étaient bar- ricadées, et la foule, altérée de sang hurlait de rage de ne pouvoir atteindre sa proie. Aux premiers coups de fusil, notre professeur tremblant d'effroi, nous avait donne congé, et cha- cun de nous se préparait à regagner son logis comme il le pourrait. Mais un incident sanglant nous cloua dans notre école avant que nous eussions eu le temps de déguerpir, et nous força d'assister au dénouement dramatique de cette révolte. Près de notre école, dans une ruelle qui longeait les dépen- dances du palais. habitait un soldat turc, ami de mon père, et ayant nom Ahmed Allayali. Dès le coin- mencement de l'attaque, j'avais vu ce Turc charger avec soin son fusil sur le seuil de sa porte, puis se mettre en garde comme un homme qui chasse à l'affût. Il avait les yeux braqués sur le mur des dé- pendances du palais et espérait sans doute que l'une des fenêtres finirait bien par lui donner une bel- le occasion de placer son coup de fusil. Tout à coup, un homme éperdu et haletant se présente en haut du mur, sur la terrasse et se ra- masse pour prendre son élan et franchir l'étroite ruelle. Sans se laisser déconcerter par cette subite ap- parition, mon Turc ajuste flegmatiquement le promeneur aérien et lâche son coup.. L'homme est at- teint car il dégringole d'abord sur l'un des rondins qui traversaient la ruelle, où il reste un moment plié en deux, puis sur le pavé où le bruit de sa chute résonne lourdement. Le Turc se précipite sur lui et jette un cri de joie. Le coup de fusil était beau en effet : le Pacha gisait dans la ruelle, près de nous qui étions pleins d'épouvante. La foule des Janissaires accourut bientôt aux cris d'Ahtned Allayali puis se ruant avec frénésie sur le corps, ils le mirent en pièces et en emportèrent triomphalement les débris. , Cette scène, où un homme avait été dépecé comme un animal, nous glaça d'horreur. Ahmed Pa- cha avait beaucoup d'embonpoint, et sa chair blanche présenta quand elle fut coupée, des couches de graisse, dont l'aspect a fait une impression ineffaçable sur ma jeune imagination. Aussitôt que la foule se fut écoulée emportant, avec des hurlements effroyables, des lambeaux hu- mains, nous détalâmes au plus vite ; les portes du quartier avaient été fermées, mais je n'étais pas tellement gros que je pusse me glisser entre l'une d'elles et le sol ; et j'arrivai enfin, sain et sauf au lo- gis paternel. Par suite du rôle important qu'il avait joué dans cette révolution, Ahmed Allayali devint un per- sonnage considérable, mais il offusquait par cela même le Pacha Aly, et celui-ci eut hâte de s'en dé- barrasser. Sous prétexte de le récompenser, niais en réalité pour l'éloigner de ses amis, ce Pacha lui con- fia le commandement d'une colonne expéditionnaire. Lorsque cette division arriva sous les murs de Miliana, des ordres, donnés secrètement par le Pacha, reçurent leur exécution, et Ahmed Allayali fut étranglé, en punition de ce qu'il portait ombrage au nouveau dépositaire de l'autorité. Récit recueilli par DEVOULX. DEVOULX. Conservateur des archives arabes du service des Domaines (1850). - Membre de la Société histo- rique Algérienne. A laissé de nombreux ortt»;cges consacrés à la période turque. - La marine de la Régence d'Alger (Revue Afr'caine Alger 1869). - Le Raïs Ha.midou (1858). - Régistre des prises maritimes (1872), etc. 45. - GRANDE DIFFERENCE ENTRE LES G.AT ERES DES CHRETIENS ET CELLES DES CORSAIRES DE BARBARIE » Bien que les nôtres soient grandes et fortes, ayant chacune deux mâts, un grand canon de cour- sier (1), trois ou quatre moyennes pièces à la proue, et depuis 23 jusqu'à 28 bancs... Celles des Corsaires sont plus petites, et n'ont qu'un arbre et qu'un canon de coursier, sans espa- lier ou fort peu, afin qu'il n'y ait rien d'inutile, ; et sans château de proue. Elles ne laissent pas toute- fois d'être de 23 à 24 i.uns, mais grandement pressés, et où la chiourme qui est de 200 esclaves, tous Chrétiens, a bien de la peine à faire jouer les rames... Ils se sont avisés de faire ainsi leurs galères afin qu'en étant plus légères, elles puissent mieux donner la chasse aux navires qu'ils attaquent et s'échapper plus facilement des galères chrétiennes qu'ils appréhendent fort pour être plus puissantes et mieux armées, ce qui les oblige souvent à démon- ter la chambre de poupe, quand ils voient que le vent les incommode, et s'ils vont en course, ils y met- tent pour l'ordinaire cent bons soldats armés de mousquets. de cimeterres et d'ares dont ils se servent adroitement. P. DAN (Op. cité). (1) Voir schéma d'une galère, gra^rune 18. 46. - LES VOILIERS (Les navires) des corsaires algériens ont aes envergures très larges, auxquelles ii est aisé de les re- connaître de loin... La voile est si disproportionnée à la grosseur du niât, qu'ils font bien peu de voya- ges en hiver, qu'ils n'aient besoin de changer leurs mâts et les avirons. Comme les Algériens veulent des bâtiments fins et bons voiliers, ils sacrifient la solidité à la légèreté ; leurs vaisseaux ne pourraient résister longtemps à un combat de boulets et il est même surprenant qu'ils puissent porter leurs bat- teries, dont les canons sont trop près les uns des autres et n'ont point assez de place pour le recul. Mais aussi les corsaires ne s'amusent point à tirer du canon ; ils cherchent à aborder le vaisseau ennemi, et il faut avouer qu'ils ont alors un grand avantage à cause de la quantité de monde qui se présente les armes blanches à la main et auquel on ne peut refuser la force du corps, la résolution et le courage. VENTURE DE PARADIS Notes sur Alger - 178 47. - LES RAIS DANS LA CITE Si la course eût été arrêtée la population lût littéralement morte de faim... Le Pacha, dont les parts de prises constituaient le principal revenu, se trouvait donc les mains liées à la fois par la peur et la cupidité- Il en était de même des Janissaires dont la solde mensuelle dépendait en très grande partie des revenus de la course.... Quant aux Raïs, ils étaient aimés de tous, autant que leurs rivaux étaient détestés. Intelligents audacieux, habitués aux dangers de toutes sortes, ils se savaient invulnérables et- affirmaient ce sentiment par le dédain mal dissimulé qu'ils témoignaient aux soudards pauvres et rés- - 62 - tiques dont la parcimonie offrait un singulier contraste avec le luxe et l'opulence de ceux que le peuple considérait comme ses héros et ses bienfaiteurs. Leurs somptueuses habitations groupées près de la mer, dans la partie occidentale de la ville, étaient peuplées de leurs équipages ; la garde du port et du môle leur appartenait de temps immémorial en sorte que tout ce quartier leur servait de place d'armes. C'est de là que la Taïffe discutait les ordres venus de Stamboul et qu'elle fixait le prix de son uhÉ is- sance ; car elle en arriva à refuser de se joindre aux flottes ottomanes à moins d'être indemnisée d'a- vance du temps perdu et du risque couru par ses navires. De GRAMMONT Histoire d'Alger sous la domination turque (1515-1830)- Paris - Leroux 1887. 48. - LES GRANDS GAINS QUE FONT LES CORSAIRES Par l'adresse qu'ils ont à les arrêter, (les navires) tantôt ils en sui prennent qui sont chargés de vin et de blé, bien que toutefois cela ne les touche guère à cause qu'en leur pays ils ne manquent point de vivres ; tantôt ils saisissent Les draps et les toiles que l'on transporte de France en Espagne et en Italie, les lingots d'or et d'argent ensemble les drogues et les épiceries qui viennent des Indes, et une- 4 rès grande quantité de soie et de coton tue l'on enlève tous les ans du grand Caire, de Smyrne, d'A- lexandrie et d'autres lieux du Levant. Tellement qu'on peut bien dire que les marchands qui pour faire quelque gain, hasardent si loin leurs biens et leur vie, ne travaillent pour la plupart du temps, que pour ces larrons impitoyables qui trouvent abondamment sur la mer une bonne partie des ri -liesses qui viennent. des Indes et du Pérou. P. DAN (Op. cité - p. 73) 49. - DESCRIPTION D'ALGER Cette ville, qui a toutes ses maisons blanchies de chaux, dedans et dehors, paraît extrêmement belle quand on l'aborde par mer. Car elle se présente insensiblement à la vue, comme par certains de- grés, et va toujours en montant, à la façon d'un amphithéâtre. Ce qui procède de ce qu'étant sur la pen- te d'une petite colline, elle fait voir pleinement et à découvert toutes les maisons qui n'ont pour toit que des terrasses du haut desquelles on a le plaisir de regarder la mer sans que les bâtiments s'empê- chent l'un l'autre. Or, bien qu'elle soit carrée, elle paraît bien moins large par le haut que par le bas. P. DAN Elle est bâtie sur le penchant d'une colline jusqu'au bord de la mer. Cela forme un parfait amphi- théâtre. Sa forme est celle d'une voile de hunier de vaisseau ; les terrasses sont toutes bien blanchies et l'on dirait en la découvrant que c'est une blanchisserie où l'on a étendu du linge... Il n'y a ni places ni jardins, de sorte qu'on peut presque aller par toute la ville de terrasse en terrasse, lorsqu'on veut voisiner le soir à la fraîcheur, on tient toujours une échelle pour monter ou descendre. LAUGIER de TASSY Histoire du Royaume d'Alger - 1725 y0. - LES RUES D'EL-DIEZAIR C'est dans la rue qui s'étend de Bab et-Oued à Bab-Azoun que l'on trouve les principaux cafés et les principales boutiques de barbiers. Là, l'indolent Algérien vient passer ses heures d'ennui, déguster son café, discuter des nouvelles et faire sa partie d'échecs et de dames. C'est là que l'on voit le cordonnier assis gravement, les jambes croisées auprès des chaussures qu'il a fabriquées et que sa main peut atteindre sans qu'il ait besoin de se lever. W. SHALER Esquisse de l'Etat d'Alger - 1830 Les rues sont si étroites que trois personnes auraient de la peine à y passer de front ; elles sont sales, puantes et obscures ; sales et puantes parce que chacun porte les ordures de sa maison dans une espèce d'auge qu'on pratique à côté de la porte, et obscures parce que les maisons des deux files sont liées très souvent par des ponts et qu'elles avancent leur premier étage sur la rue ; on marche en beaucoup d'endroits à l'abri de la pluie. La plus grande rue d'Alger dont une extrémité aboutit à la porte de Bab et-Oued au nord, et tre à la porte dite Bab-Azoun au midi, n'a guère plus de dix pieds de largeur. On la nomme « El Souk et-Kébir » (le grand marché) à cause que toutes les boutiques des marchands y sont situées. VENTURE DE PARADIS (Notes sur Alger - 1788) 51. - LES CORSES D'ALGER A Alger, les immigrants corses pullulent littéralement, surtout les Capocorsini. Quand Sampiéro passa dans la ville en Juillet 1562, lors de ce dramatique voyage qui devait le conduire jusqu'à Cons- tantinople, tous ses compatriotes se précipitèrent au port pour l'y saluer comme « leur roi ». Ces Corses d'Alger, que sont-ils ? Quelques-uns des bagnards. D'autres, marins et marchands, tra- fiquent dans le port. Mais plus d'un s'est installé à demeure, parmi les riches renégats de la ville : Has- san Corso ne sera-t-il pas un des « rois » d'Alger ? Vers 1568, un rapport espagnol parle de 6.000 cor- ses sur un total de 10.600 renégats à Alger. A la fin du siècle la ville regorge d'intermédiaires corses, agents efficaces des rachats de captifs. F. BRAUDEL La Méditerranée au temps de Philippe II - p. 127 A. Colin - 1950 52. - LES BISKRIS VEILLENT... La garde de la ville d'Alger est confiée à la tribu des Biscaras (1), que leur émir répartit tous les soirs dans les rues où ils couchent devant les boutiques des marchands soit sur des nattes, des mate- las ou sur le pavé. Ces boutiques sont sous -leur surveillance spéciale ; et si par hasard il arrive que l'on parvienne à y voler, ils répondent de la valeur des objets enlevés, paient et sont punis sévèrement. SHAW (Op. cité) (1) Appelés aussi Biskris c. a. d, originaires de Biskra. 53. - LES SOUKS D'ALGER L'actuelle Place du Gouvernement était un quartier grouillant où retentissaient les cris des mar- chands et le bruit des marteaux des petits artisans, entassés dans les maisons basses, réseau de rues très étroites où l'on ne pouvait circuler qu'en jouant des coudes. A la bordure nord se trouvait la rue Erressa~sia, rue des ouvriers en cuivre et. des plombiers. Puis, en allant toujours vers le sud, la rue el-Ferraghia, rue des serruriers, le bachmaqji, rue des cor- donniers, la zankat el-Dhouda où travaillaient las fileurs d'or ; la zankat el-Essagha où les Juifs fabri- quaient des bijoux d'or et d'argent ; la zankat el-Nehas où l'on ciselait des objets de cuivre ; la rue el-Mesaissa où l'on confectionnait des bracelets de corne de boeuf ou de buffles, dont Alger faisait grand commerce avec l'intérieur et dont se paraient les femmes arabes et kabyles trop pauvres pour acheter des bijoux en métaux précieux. Elle était prolongée par la zankat es-Sebhaghin, rue des tein- turiers. En face de la porte de la Mer (Bab el-Bahr),s'ouvrait la Tchaqmaqjia, souk des fabricants ou réparateurs de fusils. Enfin, sur l'emplacement de l'actuelle galerie Duchassaing (1) le souk et-Leuh, spécialisé dans les calottes de velours... En allant vers la mosquée de Sidi Ali Bitchnin (actuellement Notre Darne des Victoires) on trou- vait le long de la rue Bab et-Oued, une série de souks, particulièrement celui du cuir (el-Bellardjia) où l'on allait acheter des harnachements, des babouches et des souliers de cuir jaune, portés par les personnages de distinction : Ils venaient du « Gharb » et j'imagine qu'ils étaient apportés par la ca- ravane de Salé, car il y avait dans la ville haute une rue « des Salésiens ». Au sud, la longue rue Bab- Azoun était une succession de souks très animés, souk el-Kébir, souk Kherratin (tourneurs), souk es- Semmarin (maréchaux ferrants), enfin, souk er-Rahba (marché aux grains)... M. EMERIT Revue Algéria - Février 1952. (1) Actuelle pâtisserie Fille. - 64 - 54. - IMPORTANCE DE LA PECHE ET DU TRAFIC DU CORAIL Comment se fait-il que la première et la seule grande compagnie créée à Marseille à ce moment de grand essor (fin du XVIème siècle) ait été une compagnie de corail ? Pendant des siècles, le corail compte parmi les articles essentiels du grand commerce. Sa destinée n'est pas sans analogie avec l'ambre, si recherché des peuples de l'antiquité et dont le transport créa les premières routes commerciales entre la Baltique et les bords de la Méditerranée. Parmi les échanges avec les populations de l'Orient et tout. spécialement de l'Inde, le corail était un des assortiments nécessaires des cargaisons. Une partie du produit de la pêche était lavée ett travaillée à Marseille, le corail découpé et poli ser- vait à la confection de bracelets, de colliers et surtout de chapelets. P. MASSON Les Compagnies du Corail - Marseille - 19118 55. - TRAITE DE TOURVILLE (Extraits). Articles et conditions de paix accordées par nous, Chevalier de Tourville, Lieutenant général des armées navales du Très-Puissant, Très Excellent et Très invincible Prince Louis XIV, par la grâce de Dieu, Empereur de France et Roy de Navarre, aux Très Illustres Bacha, Dey, Divan et Milice de la ville et Royaume d'Alger. Article II. - Toutes courses et actes d'hostilité, tant par mer que par terre, cesseront à l'avenir en- tre les vaisseaux et sujets de l'Empereur de France et les armateurs particuliers de la ville et royaume d'Alger. Article III. - A l'avenir, il y aura paix entre l'Empereur de France et les Très Illustres Bacha, Di- van et Milice de la dite ville et Royaume d'Alger et leurs sujets, et ils pourront réciproquement faire leur commerce dans les deux royaumes et naviguer en toute sûreté sans en pouvoir estre empeschez pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit. Article IV. - Et pour parvenir à la dite paix ila esté convenu de part et d'autre de la restitution de tous les Français détenus esclaves dans le Royaume et domination d'Alger et de ceux du corps de la Milice du dit Royaume qui sont sur les galères de France suivant les rôlles qui en sont fournis, le sieur Du Sault, gouverneur du Bastion de France, se chargeant en son nom d'amener les dits esclaves du corps de la dite milice par des bastiments exprès, et le Divan et Puissance d'Alger de rendre tous les esclaves français dans le moment du dit échange ; et dès à présent toutes les prises qui seront faites depuis le jour de la conclusion du premier traité, seront rendues réciproquement de part et d'autre, sans qu'on puisse, sous quelque prétexte que ce soit,retenir aucuns bastiments, agents, marchandises ou robes, ny les gens trouvez sur lesdites prises. Article VI. - Les vaisseaux de guerre et marchands, tant de France que d'Alger seront reçus ré- ciproquement dans des ports et rades des deux royaumes, et il leur sera donné toute sorte de secours pour les navires et pour les équipages en cas de besoin, comme aussi il leur sera fourni des vivres, .agrez et généralement toutes autres choses nécessaires, en les payant au prix ordinaire et accoutumé dans les lieux où ils auront relâché. Article XXV. - Si quelque corsaire de France ou du dit Royaume d'Alger fait tort aux vaisseaux français ou à des corsaires de la ville qu'il trouvera en mer, il en sera puni et les armateurs respon- .sables. Aricle XXIX - Les articles cy-dessus seront ratifiez et confirmez par l'Empereur de France et les Bacha, Dey et Milice d'Alger, pour estre observez, par leurs sujets pendant le temps de Cent ans ; et .afin que personne n'en prétende cause d'ignorance, servrft' publiez et affichez partout où besoin sera. Cité par Henri GARROT Histoire générale de l'Algérie Imprimerie P. Crescenzo - Alger - 1910 - 65 - IXVIIIè - XIXème SIECLES I Décadence de la course. Révoltes des Populations. Fin de 'la domination turque. LES FORCES QUI SOUTIENNENT L'ETAT LES DEYS. Les Deys, élus de l'Odjaq, reçoivent toujours. l'investiture du Sultan de Constantinople. (gra- vure 13). Sans elle, ils ne pourraient se faire obéir des Turcs d'Alger, ni recruter leurs Janissai- res. Un ordre de succession a fini par se dégager au bénéfice du Khasnadji (ministre des finances) et de l'Agha des Janissaires. Une longue période de calme intérieur succède à la fameuse révolte dies Arnaouds (Albanais) (1574) et deux Deys seulement se sont succédé dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. (Lect. 56). Mohammed Othman Pacha qui régna de 1766 à 1791 est présenté par les chroni- queurs comme particulièrement intelligent et dévoué au service de l'Etat. (Lect. 57-58). Son rè- gne peut être considéré comme une « modeste renaissance » dont les effets furent compromis par les guerres de la Révolution et de l'Empire qui redonnèrent une certaine importance aux corsaires. Au début du XIXème siècle, trois Deys périrent victimes de l'Odjaq, et en 1816, Ali Khodja quit- ta la Djeninci pour s'installer à la Casbah et se soustraire ainsi aux Janissaires. Le Dey Hussein régnait depuis 1818 lorsque survint le débarquement français en 1830. LES BEYS DES PROVINCES. Quant à l'administration des provinces d'Oran, du Titteri et de Constantine, elle était toujours contée à des gouverneurs (Beys) dont certains. malgré leur cruauté, ont à leur actif d'intéres- santes réalisations. L'un des plus célèbres est sans doute Sa1ah Bey. placé en 1771 à la tête du Beylik de Constan- tine (Lect. 59). Sa tragique histoire montre, aue les Beys des provinces étaient étroitement sur- s par leur chef, le Dey d'Alge-. tou;o rs prêt ?r r^primer durement la moindre velléité d'in- dépendance. nDans l'Oranais, ie Bey de Mascara, Mohan-rr_ed el-Kébir, esprit ouvert et énergique favorisa la culture des céréales. Détail curieux, cc- Bey eut pour esclave et Ministre du Trésor, un Français ommé Tlié -lerü?: qui a laissé une relation de la vie dans le Beylik de l'ouest ù la fin du XVIII' siècle. (Lect. 60). LES JANISSAIRES. Ces soldats qui constituent toujours la base même du pouvoir de l'Etat, ne sont plus que 5.000 environ au début du XIXème siècle. Comme leurs congénères de Constantinople vers la même époque, ils semblent quelque peu décadents; ils tiennent boutique ou vendent sur les marchés les produits de leurs terres. (Lect. 61). LES KOULOUGHLIS. Devenus plus nombreux avec le temps. ils servent également dans l'armée. Bien que toujours méprisés des Turcs. ils sont cependant des auxiliaires précieux. En 1830, une ville comme Tlemcen par exemple. était occupée par une centaine de Turcs seule- ment, mais les 4.000 KhouloughlLs et leurs familles logés au Méchouar (citadelle), tenaient le pays. - 66 - LES TRIBUS MAKHZEN. Elles étaient formées de tribus guerrières privilégiées (exemptes de l'impôt sur la terre) ; et d'un amalgame de guerriers recrutés individuellement, constituant une « véritable légion perma- nente ». (Lect. 62). Ces forces supplétives permirent aux Turcs de se maintenir dans un pays hostile, malgré leur petit nombre. On peut citer les H'chern, les Douaïrs en Oranie, les Douaouda, et les Nemame- cha dans le Constantinois. LE TRESOR DE LA REGENCE D'ALGER. Comment était-il alimenté ? Pariai les multiples redevances, signalons l'impôt sur la terre (kharadj), perçu avec une extrême rigueur (Lect 63). les rachats des esclaves. les droits de douanes, les tributs des provinces (Oran-Constantine) ; (Lect. 64). les droits sur la cire. les bêtes abattues en ville. les droits sur les boutiques, la vente de certains emplois, la location d'esclaves à des particuliers, les riens de ceux qui mouraient sans descendance, les tributs des puissances étrangères, la taxe (djezya) levée sur les communautés non musulmanes, etc... La situation du Trésor, peu brillante durant les périodes de troubles, s'améliore vers la secon- de moitié du XVIIIème siècle. Certains Deys, Mohammed ' Othman en particulier. se montrè- rent des administrateurs scrupuleux des finances de la Régence. (Lect. 65). SITUATION INTERIEURE LES SOULEVEMENTS. Les Turcs ne contrôlent guère que le 1/6 du pays ; montagnards kabyles. et nomades des Hauts Plateaux. échappent toujours à leur autorité. (Lect. 66). De 1810 à 1815, razzias, expéditions punitives, exécutions sommaires viennent difficilement à bout des révoltes qui s'allument dans les Babors, le Titteri, le Djurjura. Dans l'Oranais, les in- surrections se rr.ultiplient à l'appel des prédicateurs religieux de la confrérie maraboutique des Derqaoua. La misère des campagnes et la disette consécutives aux exportations massives de grains du début du XIXème siècle, suscitent des soulèvements durement réprimés. « Quand éclata le con- flit entre la France et la Régence, le Dey n'avait pas encore réussi à rétablir son autorité ». (Julien). L'AGRICULTURE ET LES EXPORTATIONS DE CEREALES. Selon Venture de Paradis. plus de la moitié du territoire de la Régence était en friche vers 1788. Cependant, vers la même époque la culture du blé dur se développa particulièrement dans les beyliks (Provinces) d'Oran et de Constantinople (Lect. 67). Les navires européens venaient à Oran, Arzew, Mers-el-Kébir. et surtout à Bône et La Calle, faire leurs chargements de blé. (carte 12). C'est ainsi que la Régence contribua de 1793 à 1800 au ravitaillement « des dépar- tements méridionaux et des armées d'Italie et d'Egypte » (Julien). Nous ne savons rien de la répartition des terres à cette époque, car l'histoire de la période tur- que progresse très lentement, mais à travers les « Notes » de Venture de Paradis, on devine, à côté de grands propriétaires, une masse de paysans misérables. (Lect. 68). Autres cultures pratiquées dans la Régence : le tabac (environs d'Alger et de Bône), le riz (Mi- liana). le lin, la vigne, l'olivier, etc... « Bougie fournissait une quantité considérable d'huile qui approvisionnait la capitale (de la Régence) et les fabriques de savon de Marseille ». (Dubois- Thainville - 1809); -DECADENCE DE LA COURSE ET FIN DE L'ESCLAVAGE Du XVIIIème siècle au début du XIXème siècle, la course a connu des fortunes diverses en fonc- tion des vicissitudes de l'histoire européenne. Dans le courant du XVIIème siècle, la course était progressivement devenue moins prospère l'organisation de convois, l'armement des navires marchands, les croisières à la sortie du Détroit de Gibraltar en particulier, parvinrent à préserver -des pi- rates les plus riches cargaisons. La flotte d'Alger, qui comptait 24 vaisseaux en 1724, tomba à « 8 chébecs et deux demi-galères en 1788 ». Les renégats disparurent des équipages devant les Turcs et les Albanais. Pendant cette période, Alger fut cependant5 assez puissante, pour rejeter à la mer une expédi• tion espagnole débarquée près de l'Hanrach en 1775, et imposer à l'Espagne une « paix onéreu- se après les bombardements de 1783-1784 par Angelo Barcelo. La cession volontaire d'Oran en 1791 aux autorités d'Alger, mit un point final à la politique es- pagnole en Afrique du Nord. Oran devint alors la capitale du Beylik de l'ouest. La Période révolutionnaire et les guerres de l'Empire'. contribuèrent à donner un nouveau dé- part à 1a course. D'après le consul de Kercy (1791), les corsaires « enlevaient même les navires au mouillage dans les rades, contrairement, dit-il, dux enaagémeÉts pris, selon lesquels ils ne pouvaient faire des prises en deça de la portée de canon des côtes de France ». - En 1815, avec le Raïs Hamidou, la flotte d'Alger compta jusqu'à 30 navires. Quant aux puissances européennes, et auxEtats-Unis, ils jugeaient plus expédient de payer tribut dans l'espoir d'acheter la paix. Après les guerres de l'Empire. les puissances européennes n'ayant pû se mettre d'accord sur une attitude commune à l'égard des corsaires d'Alger, agirent chacune pour son compte : 1815 : les Etats-Unis obtiennent un traité après saisie d'un navire algérien en Méditerranée. 1816 : Lord Exmouth et Van Cappelen écrasent la ville sous 34.000 projectiles et Alger signe un nouveau traité avec l'Angleterre. La même année, la France refuse son adhésion à un projet de suppression de la piraterie, éla- boré à Londres, et qu'elle jugeait trop favorable à l'Angleterre. La guerre de course survivait grâce aux rivalités européennes. En 1830, le port d'Alger n'abritait qu'une dizaine de navires et 32 chaloupes canonnières. L'ESCLAVAGE. - Les esclaves ne ramaient plus à bord des navires : la voile avait remplacé l'aviron et on hésitait à risquer une marchandise qui se raréfiait. - Les plus malheureux étaient toujours ceux employés sur les chantiers publics ,le sort des au- tres était beaucoup moins rigoureux qu'autrefois. (Lect. 69). Si les esclaves étaient moins nombreux, le prix des rançons avait quintuplé. La courbe des effectifs est paralléle à celle de la course 800 esclaves en 1788 ; 1642 en 1816, et 122 en 1830. ALGER AU XVIIIème SIECLE De nombreuses calamités s'abattirent sur Alger dans le courant du XVIII" siècles : entre autres,. des épidémies de peste (1740-1752-1787-1798-et 1817) et des tremblements de terre (1755). « La peste n'est point indigène à Alger, elle est toujours venue de l'Est «. (c'est-à-dire d'Egypte ou de Syrie). déclare Boutin en 1808. dans son rapport à !.'Empereur. L'épidémie de 1787, par- ticulièrement meurtrière, enleva le tiers de la population. QUELQUES CHIFFRES : Pour l'ensemble de la Régence : 3.000.000 d'âmes environ selon Boutin, mais ajoute-t-il, « c'est une estimation de confiance ». Pour Alger : 73.000 habitants en 1808, selon Boutin, 30.000 en 1830 (Rozet-Voyage dans la Ré- gence d'Alger). Cette chute verticale n'est sans doute pas un indice de grande prospérité.. Vers 1830, les revenus de la course étaient 2i peu près nuls, et le trafic du port restait fort ré- duit : laine cuir et cire. d'ailleurs monopolisés par le Dey, constituaient toujours l'essentiel des sorties. Alger demeurait cependant le centre d'un commerce intérieur actif. et d'une activité artisanale qui s'est maintenue jusqu'en 1830. (Lent. 70). Parmi les constructions importantes de cette époque, on peut citer - La mosquée Ketchaoua (1794), devenue cathédrale après d'importantes transformations. Des maisons mauresques et des Palais comme Dar Mustapha Pacha (1798) construit par le Dey Mustapha, assassiné en 1805 (gravure 5), le Palais du Bardo. magnif.que maison de caun pagne de la f 'n du XVIIIème siècle (gravure 7). Un aqueduc long de 8 km. qui amenait l'eau de l'Aïn Zeboudja. à travers le ravin d'Hydra, jusqu'à la Casbah. De plus, les Deys s'attachèrent à augmenter encore le nombre des fontai- nes rubl?ques. (Lect. 71). lA VIE RELIGIEUSE ET L'ENSEIGNEMENT. LES CONFRERIES. - Au Maghreb où le culte des saints a toujours été vivace se constituèrent de véritables ordres religieux. C'étaient des sociétés secrètes dont les membres, liés par des rites communs, une obéissance absolue au chef ou Cheikh, se considéraient comme des frères ou Khouan. - Certaines de ces confréries avaient seulement une importance locale : les Rahmania de Kaby- lie. D'autres rayonnaient sur.le Maghreb tout entier. voire même sur le monde de l'Islam : Taï- ba. Kadria, Chadelia... Les Turcs eurent à combattre leurs insurrections au début du XIXème siècle L'ENSEIGNEMENT. Ecoles coraniques. Comme en Europe à la même époque. l'Enseignement n'était pas un service public. La pété des populations favorisa le développement de nombreuses écoles coraniques. Le taleb ou maî- tre d'école, y enseignait les versets du Coran, les rudiments de l'écriture arabe et les précep- tes religieux. Médersas et Zaouïas. Un enseignement plus élevé était donné dans les Médersas et les Zaouïas, établies auprès des mosquées, sous la direction du corps des Oulémas. (Lect. 72). Ces écoles supérieures au- raient compté jusqu'à « 2 à 3.000 élèves par province » (Emerit). On peut citer les Médersas de. M'sila, de Sidi Abd er-Rahman Ilouli (Grande Kabylie). Mazouna (Oranais), spécialisée dans le Droit musulman, Chellata de Sidi Ali Chérif (commune d'Akbou). La tradition rapporte que l'I- mam de la mosquée de Sidi Ramdan à Alger, derrière l'actuel boulevard de Verdun, ensei- gnait les successions, la géométrie et l'astronomie. Les étudiants étaient logés et nourris gratuitement sur les revenus de fondations pieuses, (ha- bous). Ils pouvaient également être hébergés ou entretenus par des particuliers aisés. A la bon- ne saison, ils se répandaient à travers la contrée pour collecter des fonds. A la fin de leurs; études, ils choisissaient la carrière religieuse ou la carrière judiciaire. FIN DE LA PERIODE TURQUE En 1827, l'affaire des céréales exportées de la Régence vers la France, c'e 1793 à 1800. n'était toujours pas réglée. Le Dey Hussein considérait le Consul de France, Deval comme responsable de cette situation. Le 29 Avril 1827, une discussion orageuse entre le Dey et Deval se termina par un coup de chas- se-mouches : le fameux coup d'éventail. La France exigea des excuses, sur le refus du Dey, elle mit le blocus devant Alger ; opération onéreuse et inefficace. Le 3 Août 1829, les batteries côtières boiribcrdèrent le vaisseau parlementaire « La Provence ». à sa sortie du port d'Alger. ' Sans diminuer' l'importance de ces événements on doit noter que l'explication des gestes dé- cisifs qui conduisirent aux hostilités entre la France et la Régence, peut être également re- cherchée dans l'évolution de la politique intérieure française vers 1830. L'impopulaire Ministère Polignac n'espérait-il pas redresser une situation difficile par une écla- tante victoire militaire ? - Le 31 Janvier 1830. il fut décidé qu'une action serait entreprise contre la Régence d'Al- ger. - Le 25 Mai 1830 la flotte française quittait Toulon sous les ordres de l'Amiral Duperré. - Le 14 juin, le corps expéditionnaire commandé par le Général de Bourmont débarquait sur la presqu'île de Sidi-Ferruch à 26 km à l'ouest d'Alger. Le 5 Juillet, la capitulation du Dey livra la ville. Quelques jours plus tard, le Dey Hus- sein gag_ nait L;vourne. - Dans le courant d'Août, les janissaires forent embarqués pour l'Asie mineure. (Lect. 73).. En quelques semaines, ïa domination trois fois séculaire d'une caste militaire s'était effondrée sans môme laisser de traces apparentes sur la société arabe-berbère. (Lect 74-75-76). Cependant, la prise d'Alger n'entraîna pas « la soum11ssion spontanée de la Régence » (Julien). Pour désigner cette concsuête- la Monarchie de Juillet devait créer un vocable oui es` désormais entré crans l'Histoire: C'est ainsi que la Régence d'Alger devint l'ALGERIE. - é9 - I XVIII° - XIX" SIECLES LECTURES 56. - LA REVOLTE DES ARNAOUDS (l) -(1754) L'élection du Dey roule entre le Khasnadji ou Grand Trésorier, le Mehalli agasi ou Agha des camps et At coprasi, l'écrivain des chevaux, c'est parmi ces trois personnages qu'on choisit le Dey. On a vu quelquefois des chaouchs être faits Dey, mais c'est lorsque des conjurations avaient déjà massacré ou écarté les trois grands que nous avons nommés Le grand cuisinier du Divan influe beaucoup dans l'élection d'un Dey. Lorsque le Dey meurt pen- dant la nuit, c'est lui qui reste le maître du palais et il lui faut faire passer un avis à celui des trois mi- nistres qu'il affectionne et lui ouvrir la porte avant que les autres ne soient rendus... Baba Mohanuned Torto régnait depuis quelques années avec beaucoup d'intelligence et de sages- se. Sept Arnaouds de la milice complotent de le tuer et de faire asseoir sur le trône le chef de la conju- ration. Ils s'introduisent, tuent le Dey et le Khasnadji qui avait des droits pour lui succéder. L'Arna- oud vainqueur à barbe rousse s'assoit sur le trône et chacun vient lui baiser la main. Cependant, le grand cuisinier qui ne sort jamais du palais et qui a son appartement et sa cuisine sur une galerie qui donne dans la cour intérieure où se tient le Divan, aperçoit le nouveau Dey, et le massacre qui avait précédé son élection. Il fait armer les esclaves chrétiens, et de la galerie fait feu sur l'Arnaoud à barbe rousse qui ré- gnait depuis près d'une heure... Celui qui devait être Khasnadji prend sa place et le grand cuisinier l'en renverse bientôt après. Un troisième s'y assoit et ainsi de suite jusqu'à ce que tous eussent péri. Une fois que les sept conjurés ont été tués parle grand cuisinier qui s'était bastingué sur la gale- ries ,les officiers offrirent la place de Dey au grand cuisinier. Il la refusa et dit qu'elle revenait à Baba Ali, agha, c'est-à-dire commandant général de la cavalerie. Baba Ali a régné dix ans. Il oublia bientôt que le grand cuisinier l'avait fait Dey et le fit étrangler un an et demi après. VENTURE DE PARADIS (Op. cité)., (1) Albanais 57. - LA JOURNEE DU DEY Le Dey ne sort de son palais que pour assister à certaines cérémonies d'ailleurs peu nombreuses. Ce palais est un bâtiment qui appartient à l'Etat.Il est non seulement affecté à la résidence du Dey, mais il est encore le siège de l'Administration, de la justice des finances, etc. Lorsque le Dey est marié, il habite une maison particulière avez ses femmes, ses enfants, ses domestiques. Il est d'ailleurs as- treint à être presque toute la journée sur son trône, qui est placé au fond d'une grande salle du rez-de- chaussée, afin de rendre justice à tous ceux qui viennent la lui demander. Ce trône est un siège de pierre garni de briques, couvert d'un tap_s ale Turquie et par dessus une peau de lion. Il s'y assied après la première prière appelée Çoubh et y reste jusqu'à la seconde appelée Dhohour qui a lieu un peu avant ou un peu après midi selon la saison. Il monte alors dans son appartement et y fait la prière et y dîne seul ou avec quelques-uns de ses officiers. Dès qu'il a dîné, il retourne à son siège où il reste jusqu'à la troisième prière ou 'Asr : il remonte alors de nouveau dans son appartement, y entend une es- pèce de musique composée d'une grosse caisse et d'une musette puis il soupe, s'entretient familière- ment avec quelques amis, et se cou:he de fort borne heure. Pendant tout le temps qu'il vaque à ses fonctions, il est assisté de quatre secr taires d'Etat appelés khodjas qui sont assis sur un bureau élevé à sa droite et toujours prêts à exécuter ses ordres ; ils ont chacun différents registres pour inscrire, exa- miner et vérifier tout ce qu'ordonne le Dey. Il est également environné du trésorier d'état, du bacha- oux, des chaoux et de l'interprète de sa maison, aucun desquels ne peut s'absenter tant qu'il est pré- sent. C'est devant lui que sont portées toutes les causes tant au civil qu'au criminel, et que chacun, de- puis le premier jusqu'au dernier sujet de l'Etat, est admis à venir exposer sa cause qui est jugée séan- ce tenante sans frais, sans appel et sans l'intermédiaire de qui ce que ce soit. Vis-à-vis du palais du dey se trouve une vaste salle où s'assemblent les plus anciens officiers de la -70- milice et où ils se rendent à l'heure que le Dey va occuper son siège et n'en sortent que quand il se retire. Sur des bancs à droite et à gauche sont assis d'autres officiers des troupes qui y restent égale- ment pendant tout le temps que le Dey est sur son trône afin qu'il ait toujours quelqu'un prêt à exé- cuter les ordres qu'il peut avoir à donner et que les particuliers soient sûrs de trouver à qui parler- SHAW. (Op. cité). 58. - LE DEY. MOFIAMMED ' OTHMAN PACHA (17,6-1791) Il était originaire du territoire turc « Karar .ân » qui fait face à l'île de Rhodes. Sachant lire et écrire, condition exigée, il put, après son arrivée à Alger, s'intégrer, au corps des Khodjas, après avoir versé à l'Etat la somme de 1000 bikatschèques (monnaie en cours). Il passa plu- sieurs années à changer de garnison, jusqu'au jour où il fut élevé au rang de membre de la garde par- ticulière du palais deylical. Puis il devint Khaznadji (premier ministre et ministre des finances). Etant Khaznadji, il fut désigné par le Dey alors au pouvoir, Ali Pacha, comme son successeur légal. PORTRAIT PHYSIQUE : Il était de grande taille, maigre et traînait la jambe gauche, il avait été blessé au genou au cours du siège d'Oran, par les Espagnols. Il avait conservé le regard dur, vif, la vue et l'ouïe nettes, grâce à une jeunesse sans taches. D'une santé parfaite, il n'eut jamais recours aux médecins et durant sa vie, ne prit aucun média- ment. Malade, il s'abstenait de manger, ne prenant que de l'eau jusqu'à guérison. Il n'eut jamais d'é- pouse... Le Dey, suivant la coutume, ne devait pas se marier étant considéré comme le père de touss ses soldats. Il s'habillait modestement, suivait scrupuleusement les préceptes religieux et réprouvait le crime,. Durant son règne, les condamnations à mort furent peu nombreuses. PORTRAIT MORAL : Il était économe, jus')-u'_, l'avarice. Son seul souci était d'amasser toujours plus d'argent pour l'Etat. Une fois dans la c tissa e Maghzane ', cet argent n'en sortait plus... Au cours du siège d'Alger par les Espagnols, alors que deux bombes venaient d'endommager le palais royal, plusieurs notables de la ville joints aux Ministres, vinrent le prier d'aller se réfugier au fort de la Casbah. Il accepta, et avant son départ, fit don de toutes ses économies, soit 200 000 sikka à la Khazna ou Trésor de l'Etat. Le siège lev^., on lui demanda de reprendre son bien, il répondit qu'il. n'en avait plus besoin et qu'il faisait don de ses biens à venir à l'Etat. AL-MADANI (Ah'mad-Tawfiq) Moh'armnad Utmân Fâchâ, Dey d'Alger - Alger 1935 59. - SALAH BEY DE CONSTANTINE (1771-1793) La proximité de la frontière tunisienne, l'extension donnée à la culture et au commerce des céré- ales, contribuèrent à L'aire du beylik de Constantine le plus important de la Régen_e. Salah hey l'admi- nistra. pendant 22 ans. Il rendit la région prospère, fit construire la mosquée de Sidi el-Kettani. la Mé- dersa du même nom, et le pont aquedu:: de ~_oost,~.r.tine. Salah Bey, destitué par le Dey d'Alger accueillit sson successeur Ibrahim bou Seba' avec les plus grands honneurs, puis le fit exécuter. Le Dey d'Alger, informé de cet événement, on fut très courroucé : « 11, se levait et se rasseyait,. sous l'empire de la colère qui l'étouffait, et ordonna de préparer les canons, les provisions, les munitions, les soldats, la cavalerie et dit : « J'irai moi-même à Constantine et la démolirai pierre à pierre ». Son entourage, composé de grands dignitaires du Gouvernement, ne cessait de le calmer... Par un dha- hir (1), il désigna, comme successeur à Ibrahim bey. Hossine bey, lui remit le vêtement d'honneur et l'investit des fonctions de Gouverneur de Constantine. Hossine Bey se dirigea immédiatement vers celle-ci pour l'assiéger. Salah Bey apprenant ceci, leva la garde du Palais des Emirs et demanda du renfort aux habitants de la ville, mais ceux-ci firent la sourde oreille, ne voulant pas secouer le joug du Gouvernement d'Alger. Un grand trouble éclata dans la ville au cours duquel les Turcs soutinrent Salah Bey. Hossine Bey campa toute la nuit près de Constantine... Il fit parvenir au Général et au Divcn (2)- (1) - Décret. (2) Conseil, équivalent de celui d'Alger'. et qui assistait le Bey. le dhahir qui le désignait comme Gouverneur et qui fut lu aux officiers. Il ajoutait : « Si vous restez sous la domination d'Alger et de l'Odjac, tout ira bien, mais si vous vous rendez indépendants, les- Arabes vous combattropt et aucun d'entre vous ne restera vivant. « Les Turcs échangèrent alors en- tre eux des lettres, ils se blâmaient d'avoir déserté la cause du Pacha, puis ils s'éloignèrent de Salah Bey auprès duquel il ne resta bientôt plus qu'une poignée d'hommes. A ce moment, le Cheikh Sidi Abderrahmane Lafgoun, alors Cheikh de la Ville et dont l'influen- ce était considérable, vint lui rendre visite. S'adressant à Salah Bey il lui dit : « Viens avec moi dans ma maison, j'écrirai en ta faveur au Pacha qui prendra ma demande en considération, nous ferons en- semble le pélerinage à la Mecque ». Salah Bey lui obéit et sortit en sa compagnie ; tandis que ceux qui étaient là avec lui se dispersèrent. Mais lorsqu'il arriva près de son palais ; il y trouva le Divan de la Casbah qui l'arrêta. Se tournant vers le Cheikh : « Tu m'as trahi ! s'écria-t-il." . Tu as été le pre- mier à te conduire en traître ! répliqua Lefgoun. Que ce soit toi qui en subisses les conséquences plu- tôt que toute la population ! ». On l'amena à la Casbah où il fut étranglé. Sa mort fut annoncée à Hossine Bey. Celui-ci se rendit d'abord à la casernes comme c'età$ la cou- tume chez les gouverneurs, et fit ensuite son entrée dans Constantine. D'après le texte arabe de « Tarikh H'adhirat Qusantina » (Histoire de Constantine), par EL HADJ AHMED EL MOBAREK, Edition A. Noureddine - 1952 (p. 26 à 28). NOTA. - Il existe dans le répertoire classique de la musique arabe, une chanson très connue intitulée Salah Bey ; elle relate d'une façon pathétique le sort tragique de ce Bey célèbre qui tint tête au Dey d'Alger. 60.. ESCLAVE ET MINISTRE DU BEY DE MASCARA Me voilà enfin porteur dans ma ceinture d'une trentaine de clefs que je ne quittais jamais, et placé à un poste qui ne m'était pas encore entièrement connu. Mon maître, le soir, étant seul, me détail- la tout ce que j'aurais à faire (du moins il le croyait. car il ne connaissait point lui-même tout ce qui dépend de la place de Kasnadar). Il me recommanda surtout d'avoir l'eeil sur les domestiques, que c'é- taient des gens (disait-il) qui ne cherchaient qu'à le voler, que j'eusse soin de la conduite des pages, de les châtier quand ilss le méritaient,- et qu'enfin je me rendisse digne par l'intérêt que je devais pren- dre de ses affaires, des bontés qu'il avait et qu'il aurait pour moi. THEDENAT Mémoires de Thédenat (1785) Publiés par M. EMERIT. Revue africaine T. XCII 1948 p. 172_ THEDENAT Languedocien, né à Uzès en 1758, capturé par les corsaires d'Alger, puis acheté par le bey de Mas- cara qui en fit son ministre du Trésor (1779-1782). Ces importantes fonctions lui permirent de bieim connaître l'ouest de la Régence d'Alger. 61. - LES JANISSAIRES A LA FIN DU XVIII' SIECLE Mais ce n'est plus bon depuis le début du règne de Baba Mohammed (1754), parmi les Ioldachs, d'être tapageur, de faire des complots et des insurrections ; ils s'adonnent à un petit commerce. Les Turcs ne dédaignent aucun métier, et ceux mêmes qui sont en passe d'être avancés aux premières pla- ces, il n'y a rien de honteux ni d'ignoble pour eux s'ils sont tisserands, maréchaux, arquebusiers etc... Ils font les bouchers, les revendeurs, ils vendent des poules, des neufs, des herbages, des fruits, du ta- bac, des pipes etc... Lorsqu'ils ont un petit bien de terre, ils viennent vendre eux-mêmes leur récolte au marché. VENTURE DE PARADIS (Op. cité p. 124) 62. - TRIBUS MAKHZEN ET HABILETE ADMINISTRATIVE DES TURCS Les effectifs de leurs milices étaient insignifiants, et s'ils ont pu parfois sévir avec rigueur et faire couler beaucoup de sang, ils n'ont pu le faire qu'en se servant des autochtones contre leurs propres frè- res. L'institution des tribus makhzen et des zmâla est une indication sur l'habileté avec laquelle ils - 7 2 - -ont dû manoeuvrer pour instaurer un régime qui ne reposait nullement, quoi qu'on ait dit sur leurs pro- pres sabres. S'ils n'ont rencontré (lue très peu de réaction, s'ils n'ont pas été chassés par les Arabes et les Ber- bères, c'est parce qu'ils avaient trouvé le pays dans une anarchie telle que l'idée d'indépendance na- tionale ne pouvait se faire jour. Il faut dire aussi qu'étant donné le nombre infime de leurs immigrés, ils étaient peu gênants pour les indigènes à qui ils ne réclamaient que le paiement de l'impôt, les laissant par ailleurs vivre com- me ils l'entendaient. Ils n'apportaient avec eux rien de nouveau : ni civilisation à implanter, ni religion à propager. MAHAMMED HADJ-SADOK A travers la Berbérie orientale du XVIII' siècle, avec le voyageur AL-WARTHILANI. Revue Afri- caine 1951 p. 359, 63. - LES IMPOTS Le recouvrement des sommes exigées des Arabes se faisait au moyen des mahallas, colonnes expé- ditionnaires destinées à parcourir le pays pendant 4 ou 5 mois de l'année pour contraindre les cheikhs au paiement du tribut qui s'acquittait en argent ou en nature ; ces tournées étaient la source d'une quantité de vexations et les iolda:hs y pillaient sur le fellah de quoi vivre le reste de l'année. La Gran= de Kabylie seule ne s'était pas soumise à un impôt régulier, tous les deux ans les chefs de KOUKO (1) et de KALAA offraient un présent d'une valeur de quatre à cinq cents ducats en échange duquel ils re- cevaient des armes de prix et de riches vêtements. SHAW. (Op. cité) (1) Village des Ait Yahiya à 8 krn à l'Est de Michelet. 64. - LES BEYS ET LE TRIBUT DES PROVINCES Les Beys sont des officiers pourvus du gouvernement des provinces et du commandement des ar- mées ; ils sont nommés par le Dey qui les révoque à volonté. C'est une des fonctions auxquelles on ne _parvient pas par ancienneté. Leur autorité est absolue là où ils commandent. Ils lèvent les impôts dans les villes, le tribut dans les campagnes et perçoivent en un mot dans l'étendue de leur gouvernement tous les revenus publics dont ils sont tenus de rendre compte au dey une fois par an, et d'en verser le produit dans le trésor de l'Etat. Toutefois leur pouvoir cesse dans Alger où on les reçoit d'ailleurs tou- jours avec beaucoup de cérémonial dans cette circonstance. Le public juge de l'importance des reve- nus par le nombre de voitures chargées d'argent qu'amènent ces fonctionnaires : et il en témoigne tou- jours sa joie par des cris bruyants. A leur arrivée au Palais du Dey, celui-ci les revêt aussitôt d'un cafetan.. c'est un honneur dont ils cherchent néanmoins à se dispenser quand ils le peuvent, incertains qu'ils sont de savoir quel est le sort qui les attend ; s'ils seront traités gracieusement ou s'ils laisseront leur tête, malheur qui leur arrive fréquemment pour les punir de leurs prévarications et de leurs con- cussions. mais surtout pour les dépouiller des biens immenses qu'ils acquièrent généralement par toutes .sortes de moyens illicites. Lorsque sous pretexte de maladie ou de la nécessité absolue de leur présen- ce dans leurs gouvernements, ils ne se rendent pas eux-mêmes à Alger, ils se font remplacer par un caïd. Quels que soient les dangers attachés à leurs fonctions, on peut cependant dire que les beys sont autant de rois dans leurs gouvernements, et beaucoup moins exposés que le dey aux caprices de la fortune. Ils ne visent qu'à s'enrichir et à amasser des sommes considérables, ce qu'ils ne peuvent faire qu'aux dépens de l'Etat et au détriment des peuples. SHAW (Op. cité) 65. - LA GESTION DES FONDS PUBLICS DE LA REGENCE D'ALGER Il n'a jamais existé d'Etat plus économe des fonds publics que le gouvernement d'Alger. Le trésor de l'Etat est ménagé avec un scrupule inconcevable. Il ne sort du trésor pour des dépenses courantes que les sommes fixées et arrêtées depuis un temps immémorial, et dans les occasions même les plus urgentes, quoique le Khazné soit très riche, ,tout se fait par corvée. Lors de la guerre des Danois, en 1770, et en dernier lieu dans les divers bom- bardements qu'ont tentés si infructueusement les Espagnols (1), on décida d'augmenter les fortifications de la marine et celle de la rade. Tous les habitants furent obligés de travailler et d'aller chercher des pierres à une carrière qui est ouverte du côté de Bab el-Wad, les grands eux-mêmes donnèrent l'exem- ple... Mais l'argent du Trésor ne fut point employé à un objet de dépense nouveau. VENTURE DE PARADIS (Op. cité - p. 88) (1) Expédition O'Reiliy qui fut obligée de rembarquer le 9 juillet 1775, après avoir perdu 5 ou 6 0 hommes. 66. - LES MONTAGNARDS KABYLES NARGUENT LES TURCS La plupart des montagnes, depuis le royaume de Sous jusqu'à la plaine de Kairouan, sont peu- plées de nations indépendantes. Alger en a deux fameuses qu'il n'a jamais pu soumettre : les Cabaïlis de Flissa et ceux de Zewa- wa (1). Les montagnes de Flissa règnent depuis Dellis jusqu'à Collo ; celles de Zewawa sont plus au midi. Les Zawawis ont près de 300 villages ils ne paient ni tribut, ni capitation, mais ils se font entre eux une guerre extrême et ne se réunissent que contre l'ennemi commun... Les montagnes inaccessibles dans lesquelles ils vivent les mettent à l'abri des vexations des Turcs mais entre eux ils se font des guerres éternelles, et le plus faible se fait soutenir par le commandant turc le plus voisin, qui profite de ces divisions, pour les dévorer. Leur haine est implacable et n'est as- souvie que par le sang. VENTURE DE PARADIS (Op. cité - p. 14) (1) Tribu kabyle dont on retrouve le nom dans le mot « zouave ». 67. - LA CULTURE ET LE COMMERCE DES CEREALES A LA FIN DU XVIIIème SIECLE Le commerce des grains.. devient tous les jours plus important. La culture des terres a été surtout beaucoup encouragée dans le gouvernement du Ponant ; le Bey de Mascara a fait construire quelques magasins à la place d'Arzew (Marsa-el-Kébir). Il y tient un vekil (1) qui paye argent comptant et sans délai tout le blé que les Arabes y portent et leur donne quelque chose en sus de ce qu' ils le vendraient au marché. Il revend ensuite ce blé et cette orge avec la permission du Dey aux bâtiments espagnols et français qui viennent le prendre... Tout le blé du royaume (d'Alger) est dur et fournit beaucoup de saumoule (2) ; il est employé pour les pâtes de Gênes et pour le biscuit de ruer. Le plus beau grain (celui qui est le mieux nourri) est celui de la province de Constantine. Le bey de Mascara encourage la culture dans sa province. Il fait ensemencer pour son compte et il s'asso--ie... VENTURE DE PARADIS (Op. cité - p. 22) (1) Sorte de commissaire. (2) Semoule. 68- - MISERE DES PAYSANS OU FELLAHS Il n'y a point d'être plus malheureux que les Maures qui cultivent les terres d'Alger Un hobayc (1) et un bernus (2) sont tout ce qu'ils possèdent en hardes ; elles leur servent de couvertures pour la nuit. ., Beaucoup n'ont point une natte et ne se servent que d'un peu de paille pour se coucher dans une misérable cabane de jonc et de terre. ouverte à tous les vents. Leur nourriture est une farine d'orge détrempée,dans de l'eau, après l'avoir fait griller dans une poële, ils ne, mangent jamais de viande. Un. peu de figues ,sèches et..de raisins sont pour., eux des mets délicieux ou' ils ne mangent pas tous les jours. - 74 - Leur femme a pour vêtement une haïque dont elle s'entoure le corps. Quant à leurs enfants, filles ou garçons, ils restent nus jusqu'à l'âge de 9 ou -10 ans ; ils couchent pêle-mêle avec le père et la mère. V Cette éducation leur rend le crâne et la peau si durs que les cousins et les mouches ne leur font aucune impression... Ils marchent, tant les enfants que les hommes faits, presque toujours nus pieds, et la plante des pieds se durcit tellement qu'ils sont en état de recevoir 300 et même 500 coups de bâton sans en être incommodés plus de deux jours, tandis qu'un autre en ferait une maladie de trente mois. Ils ne connaissent point d'autre éclairage pour la nuit que la lueur d'une branche d'arbre allumée, et beaucoup n'ont jamais vu d'huile. Les ornements de la femme consistent en un bracelet de corne de buffle et quelques anneaux de verre pendus au cou. VENTURE DE PARADIS (Op. cité p. 730) (1) 'Aboya, vëternent léger, genre gandoura qui se porte sous le burnous. (2) burnous. 69. - LE SORT DES ESCLAVES AU XVIIIème SIECLE Les particuliers qui achètent des esclaves par spéculation les louent à raison d'un demi-sequin al- gerien par mois lunaire. Par ce moyen, l'esclave donne le change de l'argent qu'il a coûté ; et son patron attend le moment d'en tirer un bon rachat. Touss les domestiques des consuls, des négociants, ouvriers et artisans européens, des Pères de la Mission et de l'Hôpital, sont choisis parmi les esclaves. Ceux qui tombent entre les mains des Juifs s'impatronisent bientôt de la maison. On en donne aux cacheriès ou casernes des Turcs pour les tenir propres et pour servir. Ce ne sont point les esclaves les plus. à, plaindre ; les Turcs les traitent avec,: douceur et humanité. Il y a trois bagnes à Alger, dans lesquels sont enfermés les esclaves chrétiens appartenant au bey- 1ik et destinés au service de là marine et aux travaux publics. Ce sont les seuls esclaves qui soient à plaindre en exceptant cependant de ce nombre les charpentiers, les calfats et ceux qui afferment les tavernes : tous ceux-ci ont le moyen de gagner de l'argent et même leur rachat en peu d'années. VENTURE DE PARADIS (Op. cité p. 50) 70. - INDUSTRIES ET ACTIVITES ARTISANALES D'ALGER A LA FIN DU XVIIème SIECLE On y fabrique des toiles grossières... faites avec du lin du pays ; elles servent au peuple de la ville et de la campagne, mais il ne s'en fait pas d'exportation. On y fait encore des rubans de soie de toutes couleurs et de toutes grandeurs... Les rubans cou- leur écarlate et violet ont même plus d'éclat et de solidité que ceux de la Chrétienté, et ils se vendent aussi plus cher... Il se fait dans tout le royaume d'Alger une grande consommation de rubans pour l'ornement des meubles et des habits de femmes... 11 y a aussi diverses fabriques de bonnets ou calottes de laine qu on nomme chachiet gézirié (1). ...Les chachiets d'Alger ne valent que la moitié du prix de ceux de Tunis, et ils sont par conséquent plus à la portée du peuple ; mais il ne s'en fait aucune exportation au Levant... Les ceintures de soie simples ou en or et en argent sont un article de plus grande conséquence on en fait des envois considérables dans la Berbérie et dans le Levant où elles servent de turbans et pa- rures aux gens de mer... On fait à Alger des maroquins jaunes, noirs volets et rouges pour la consommation du pays sim- plement... Il y a quantité de gens qui s'occupent à broder sur le maroquin ; ils font des souliers de femmes, (1) Chechias d'Alger. -75- des espèces de portefeuilles et de gibecières très riches en or et en argent. Ces sortes de portefeuilles qu'on nomme giresdan, servent de bourses pour l'argent. Les gibecières se nomment palasca et il en passe beaucoup au Levant. On fait dans diverses villes et bourgs du royaume d'Alger des tapis, mais plus grossiers que ceux de la Caramanie (Turquie)... Dans tout le royaume, on fait des couvertures de laine qu'on nomme haïks (2). Ces haïks servent d'habillement aux femmes de la campagne et aux Arabes... De cette même étoffe, les hommes font des burnous qui sont des capes sans coutures... VENTURE DE PARADIS (Op. cité p. 16-17) (2) Haïk, vêtement de soie en une seule pièce qui entoure le corps et que I'oua porte sous le burnous voile de la femme arabe en particulier ; et aussi couverture de dessus pour un lit. 71. - LES FONTAINES D'ALGER Il n'y ni places ni jardins dans la ville. On y compte dix grandes mosquées et cinquante petites, trois grands collèges ou écoles publiques, cinq bagnes destinés à renfermer les esclaves du Beylik, douze bains publics ordinaires, et soixante-deux à vapeur, une église catholique, une synagogue, cent cinquante fontaines publiques etc... Alger ne possède point non plus d'eau douce ; et quoique chaque maison ait une citerne, on en manque souvent par suite de la rareté des pluies :mais on a suppléé à cet inconvénient en y condui- sant au moyen de canaux, l'eau d'une belle source située près du, Fort l'Empereur, à une demi-lieue de son enceinte. Tous ces tuyaux, qui alimentent les fontaines publiques, se terminent à un réservoir com- mun qui est au bout du môle, et où les navires font leur approvisionnement. A chaque fontaine, il y a pour la commodité des passants, une tasse qui est scellée. L'eau qui se perd, soit en buvant, soit en la tirant dans les vases destinés à cet effet, se réunit, et est conduite par d'autres tuyaux dans des égouts et des cloaques où se rendent les ordures des maisons et qui communiquent à une grande fosse située près de la Marine d'où toutes les immondices se jettent dans le port, ce qui produit une grande, puanteur à la porte du môle durant les chaleurs. SHAW (Op. cité) 72. - L'ENSEIGNEMENT DANS LA REGENCE AU D-BUT DU XIXème SIECLE Un taleb qui a fréquenté une médersa ou une zaouïa protégées par le tombeau d'un saint n'a pas appris grand chose, même en théologie, mais il tonnait le « bon ton », la morale individuelle et fami- liale du Prophète et revient chez lui avec ces principes. Il a le goût de la poésie. L'émir Abd el-Kader a laissé des poèmes qui ne manquent pas d'intérêt ; il y célèbre des exploits guerriers, niais il se montre aussi très fier d'être un lettré, un homme qui connaît les traditions prophé- tiques, la grammaire et le droit coranique. Profondément ignorant en sciences et même en histoire, il rait trouver des mots touchants pour exprimer le sentiment d'amitié et la poésie du désert. Les pro- fesseurs, assez bien payés et très considérés, ne s'occupaient pas des affaires de l'Etat, mais ils ont su. créer une certaine unité morale dans cette société arabo-berbère, politiquement si divisée. M. EMERIT L'Algérie à l'époque d'Ab el-Kader, (Larose, Paris 1951) 73. - L'EMBARQUEMENT DES JANISSAIRES (18 F_cût 1830). « Parmi les scènes pittoresques dont le Vieil Alger fut le théâtre après l'entrée des Français. il y a à citer celles auxquelles donna lieu l'embarquement des Janissaires dont le Maréchal de Bourmont avait ordonné le transfert en Asie Mineure. Voici, à ce sujet, la relation de Barchou (1) (1) Barchou, officier du corps expéditionnaire. Des détachements d'infanterie les allaient piendre à leurs casernes ou bien à domicile, et les. amenaient par bandes nombreuses sur les quais... Parmi ces soldats, les uns étaient tellement chargés de vêtements et d'effets qu'ils &lovaientt sous le poids, d'autres portaient à la main quelques corbeilles- de dattes ou de figues ; d'autres des vases pleins d'eau, qu'ils s'efforçaient de conserver entiers et pleins, au milieu du mouvement de la foule, inestimable trésor par la chaleur qui nous accablait. Le bagage du plus ;rand nombre ne se compasait que de ces deux choses : une longue pipe : qu'ils avaient à la bouche, et un sac de tabac suspendu à leur veste. J'en vis un, toutefois. qui avait sous le bras un magnifique exemplaire du Coran et à la ceinture une fort belle écritoire. Quand un bateau s'éloignait, c'était un échange de signes de mains et de cris d'adieux entre ceux qu'il emportait et ceux qui demeu- raient au port. Quant, au contraire, une einbar_at'cn accostait le rivage, on voyait se former des grou- pes distincts et compacts parmi ceux dont le tour d'embarquement arrivait. Ceux des exilés qui se trouvaient liés par quelque rapport d'humeur, de goûts ou de cara~:tère, se rapprochaient ainsi les uns. des autres pour faire la traversée ensemble et d:`'barquer au même port. Orgueil, courage ou résigna- tion à la fatalité ils ne laissaient échapper aucune plainte et ne nous adressaient aucune prière, aucu- ne réclamation. Les femmes qui partageaient cat'e émigration, montrèrent la même fermeté que les hommes. Assises sur des pierres ou sur des pile~_ 3 e boulets, elles attendaient, à côté de leurs maris, leur tour d'embarquement. Autour d'elles jouaient leurs enfants, tantôt criant, pleurant .s`effrayant de ce que tout cela avait d'étrange et d1e notivc' u...<> Cité par H. KLEIN Feuillets d'El-Djezaïr (5ème volume) - Alger 1913 74. - APPORTS TURCS ET ESPAGNOLS DANS LA TOPONYMIE DE L'ALGERIE L'APPORT TURC Bien que la domination des Turcs ait duré trois siècles, on ne peut pas dire que l'influence ottoma- né, au point de vue culturel ait été importante, et pour cause. Les Turcs d'Algérie étaient pour la plu- part des gens frustes. recrutés dans les bas-fonds des ports du Levant, mêlés de quelques aventuriers européens, renégats venus à l'Islam par intérêt. Cependant, à la faveur de la' longue durée de leur do- mination, ils ont introduit cinq ou ,six cents mots turcs dans l'arabe dialectal algérien. En toponymie leur apport est peu important ; à Alger et autour d'Alger on note entre autres L'Agha, primitivement camp militaire commandé par un agha ou générai en chef Mustapha, primitivement Dar Mustapha : maison de campagne du dey de cc nom Birmandreis, à lire Bir Mouradd Raïs : puits appartenant au capitaine corsaire Mourad. Hussein-Dey doit son nom au dernier pacha d'Alger qui possédait à cet endroit une maison de plai- sance ; Rouïna est le nom du camp où les Janissaires faisaient halte pour manger le rata appelé rouïna Haouch et Bey Brahim est la ferme appartenant au bey Ibrahim. Dans les départements de Constantine et d'Oran, Ain el-Bev et Ain et-Turc, Azel-Bevlik sont des endroits où les colonnes turques bivouaquaient et campaient. La grotte d'Ali-Ba_hî près de Bougie. L'APPORT ESPAGNOL La venue des Maures chassés d'Espagne par la reconquête, l`occupation espagnole et l'immigration de la main-d'oeuvre espagnole ont eu pour conséquence d'introduire quelques vocables dans la nomen- clature. On signalera Cap Lindless ou les Andalous, les Tagarins d'après A. Nettement, « Histoire de la Conquête d'Al- ger », 1867 - p. 98, notre 2 : « On retrouve la trace des Maures d'Espagne à Alger dans le nom du Mur des Tagarins, que portait la partie occidentale de l'enceinte de la ville. Les Morisques d'Aragon se dé- signaient par cette dénomination qui venait de l'ancienne division de l'Espagne, sous les califes omeyya- des : et-Thagr : la frontière. C'était le pays conquis par les rois d'Aragon sur les émirs de Saragosse. « Le Bardo est une altération de l'Espagnol El Prado : Jardin clos. Citons aussi : Rio-Salado ou oued-Mellah (le Salsum flumen de l'itinéraire d'Antonin) : Santa- Cruz ; Sainte-Croix.,. DOCUMENTS ALGERIENS N,, 60 - 1952 - 77 - 75. - INFLUENCE TURQUE SUR LA LANGUE ARABE EN ALGERIE Dans une thèse consacrée en 1922 aux « Mots turks et persans conservés dans le parler algérien ».. M. Mohammed Ben Cheneb avait groupé « 634 mots dont 95 ne semblent plus être employés par suite de la disparition de l'objet employé... ou bien sont sur le point de Tomber en désuétude, remplacés par des mots arabes ayant obtenu une plus grande prépondérance ...» Par ailleurs, M. Ben Cheneb notait 239 mots «ayant véritablement une origine turke ou plutôt turko-persane et enfin 49 mots arabes ayant la particule turque Bach comme préfixe ou comme suffi- xe (ex. : Bach ' adel) ou le suffixe turc Dji... >. et M. Ben Cheneb de conclure «...il est hors de doute que les Turks ont introduit dans le parler algérien un certain nombre de vocables. Toutefois et à l'exclusion d'un proverbe.. et de deux locutions... les Turks n'ont eu, à ce qu'il semble, aucune influence sur le langage algérien ». 76. - BILAN DE LA PERIODE TURQUE Ils (les Turcs) trouvaient devant eux l'Islam qu'ils professaient eux-mêmes dans leur pays Ils l'encouragèrent le plus qu'ils purent en bâtissant des mosquées. Cette communauté de religion devait arranger bien des choses, et notamment faire apparaître la présence des Turcs comme 'un se- cours contre le péril chrétien de plus en plus menaçant, que les corsaires ont su d'ailleurs conjurer avec succès pendant deux siècles. Incapables d'y faire face eux-mêmes, les Arabo-Berbères acceptèrent volontiers la ceinture de protection que les Turcs venaient à propos établir le long de la côte. Les choses en restèrent là. Sur l'intérieur du' pays, leur souveraineté fut plus, nominale que réelle, car, si les grands centres ont été oc- cupés, après beaucoup d'efforts, la pénétration fut presque nulle tant dans les grands espaces habités par les tribus arabes que sur les montagnes de la Kabylie. La domination turque est demeurée un, phé- nomène superficiel qui n'a même pas effleuré les profondeurs de la société arabo-berbère et la meilleu- re preuve, à cet égard, c'est que les traces de cette domination sont aujourd'hui à peine perceptibles. M. HADJ-SADOK (Op. cité - p. 360) Vues générales sur le Maroc e a Tunisie du XVIP au XIX SIÈCLE LE MAROC FIN DES SAADIENS. A la mort d'El-Mançour, en 1603 : rivalité de ses fils ; agitation des tribus, des marabouts, des bourgeois des villes ; intrigues espagnoles et turques ; le dernier Saadien est seulement roi de Marrakech : il meurt en 1654. SALE : à l'embouchure du Bou Regreg, devient cité de corsaires vers 1610. Des Maures d'Es- tramadure : les Hornacheros, expulsés par les Edits de 1609-1610, s'y installent et donnent à la piraterie un essor extraordinaire. LES ALAOUIDES. Des Chérifs du Tafilelt, l'un ci'cux, Moulay Rachid. es', proclamé Sultan à Fès en 1666. MOULAY ISMAIL, 1672-1727. Frère et successeur du précédent - Remarquable par son intelligence, son énerg'e. sa vitalité et sa cupidité : Il conquiert son royaume au cours de 25 ans de razzias et d'expéditions punitives : siège de Marrakech (1677), massacre de Taroudant (Sous 1689). Organise une armée : Des troupes noires sans attache avec le pays. Leurs garnisons installées dans les Casbahs, tiennent en mains les populations. Fait de Meknès, sa capitale. « Le Versailles marocain » est bâti pcr des c^d z, c et rélicns, des prisonniers des tribus. etc... S'attaque aux Chrétiens et aux Tur~s Les Anglais abandonnent Tanger qu ils occupaient c':epui:, 1684 ; les Espagnols ne conservent. que Mellila et Ceuta : les Portugais se maintiennent à Mazagan. La flotte de Salé « devient marine d'Etat »,la piraterie se fait au bénéfice du Sultan. Contre les Turcs : il lance des expéditions sans lendemain en liaison avec l'armée tunisienne.. La Tafna est reconnue comme frontière entre les deux pays. Développement du Commerce : « Fez devient le magasin général de toute la Berbérie »- « Meknès demeure le premier marché des grains, cire et cuir ». Trafic actif par caravanes avec le Soudan. Place prépondérante du commerce français à la fin du XVIIème siècle. Echanges d'ambassadeurs entre Louis XIV et Moulay Isrnaïl. LES SUCCESSEURS DE MOUIAY ISMAIL. Révolte de ses fils et de tous ceux qui obéissaient sous la contrainte : tribus berbères, bour- geois des villes, confréries etc... Retour à « l'anarchie chronique ». 12 proclamations de Sultans en 20 ans. Les Portugais évacuent Mazagan, 1769. LE MAROC DIVISE ET REPLIE SUR LUI-MEhIE: - Il y a deux Marocs : le Bled el-Makhzen soumis au Sultan, le Bled es-Siba .à peu près indépen- dant et en proie aux guerres de tribus à tribus. « Jalousement fermé à toute influencé extérieu- re, il (le Maroc) s'absorbe dans la lutte presque sans répit que mènent les tribus berbères pour échapper à l'autorité gouvernementale ». (Le Tourneau). LA REGENCE DE TUNIS. DE LA FIN DES HAFCIDES AU PACHALIK. - Après la conquête turque' (1574), et la dispariticn des Hafcides, la Tunisie est o.garisée sur le modèle des autres provinces ottomanes. - 79- - Comme Alger, Tunis devient capitale d'un Pachalik (Province) avec à sa tête un Pacha nom- mé par le Sultan de Constantinople et assisté d'un Divan. - Elle a aussi ses janissaires et ses Raïs qui écument la Méditerranée orientale. VERS LA MONARCHIE HEREDITAIRE. Dès la fin du XVIème, le Pacha n'est plus qu'un personnage décoratif. La réalité du pouvoir pas- se au chef des Raïs, et surtout au Bey, officier supérieur de la Milice chargé de la levée des im- pots, et de l'administration des tribus. L'un d'eux, Mourad (1612-1631). fonda une première dy nastie turque héréditaire, celle des Mouradides qui gouverna la Régence de Tunis durant le 17ème siècle. - 1702 : Ibrahim, Agha des Janissaires fait massacrer les derniers Mouradides. 1704 : Il parvient à cumuler toutes les l auies fonctions de l'Etat, en devenant à la fois Bey et Pacha. Les Algériens le capturent et assiègent Tunis 1705. Hussaïn ben Ali, Agha des Janissaires sauve la ville ; la population le proclame Bey de Tunis. Il obtient du Sultan de Constantinople le aioit de rendre ce titre héréditaire dans sa famille. (1710). Hussaïn ben Ali es~ le fondateur de l'actuelle dynastie beylicale. Les Hussa'inides subirent des crises intérieures (révolutions de palais) ; luttèrent contre l'ingé- rence des Turcs algériens et des Européens. LES CRISES DE SUCCESSIONS. Selon une vieille tradition turque, l'héritier du trône n'était pas le fils ainé du souverain mais le parent mâle le plus âgé. D'où de sanglantes rivalités. GUERRES DES DEUX REGENCES. - Les Turcs d'Alger profitaient de cette situation pour appuyer ou imposer les Beys de leur choix. Pour prendre leur revanche, les Tunisiens envahissaient la Province de Constantine, de con- cert avec les Chérifs marocains qui pénétraient dans le Beylik d'Oran. Ex : 1700 Mourad, Bey de Tunis, assiège Constantine. puis se fait écraser près de Saint-Ar- naud. 1756 - Les Algériens imposent un Bey qui accepte de leur payer tribut. 1808 - Intensification de la guerre entre les deux Régences ; sur terre, et sur mer (exploits du Raïs Hamidou). Siège de Constantine. Tunis entend s'af_`ranchir du tribut. 1817 - Une médiation d'un envoyé de la Po-te met fin au conflit. Chacun des deux souverains reconnait l'indépendance de l'autre. INGERENCES ETRANGERES. - Elles visent à conserver des Concessions et des comptoirs sur les côtes : Tabarka - Cap Nègre - Bizerte. etc... ; obtenir des avantages économiques ou politiques : instructeurs militaires, vente de matériel de guerre ; imposer des mesures d'ordre général : suppression de l'esclavage (1819). L'CEUVRE DE LA DYNASTIE HUSSAINIDE. 1811 - Dissolution des Janissaires. - Développement des Ecoles coraniques et des Médersas. Travaux publics : Pont à huit arches de Mejez el-Bab, nouvelles mosquées dont Sidi Mahrez. (Tunis), Nouveaux souks, Palais de la Manouba, restauration de l'enceinte de Kairouan. - Sous Hussaïn ben Ali, prospérité économique : exportation des blés, cires, cuirs, dattes. épon- ges etc... DEUX DESTINS. - Alors que les Turcs d'Alger vécurent en conquérants, isolés du reste des populations autochto- nes. les Turcs de Tunis furent finalement assimilés par le pays qu'ils avaient conquis. - Et le plus grand mérite de la dynastie hussainide, fut sans doute d'avoir sû. dans le courant du XVIIIème siècle, « transformer un Etat de corsaires en un Etat organisé, qui prolongea la po- litique des Hafcides, des Almohades et des Çanhadja » (Julien). -s0- COM V ENTAIRES DES GRAVURES L - LE PEGNON D'ALGER LES ILOTS D'EL-DJEZAIR Les ilôts sur lesquels fut bâti le Pegnon (1), ont été l'origine de la fortune d'El-Djezaïr, comme en témoigne ce nom même qui est le pluriel de Djezira, signifiant île en arabe. Il peut être utile de sortir du cadre du présent ouvrage pour évoquer le passé de ces ilôts et sur- tout pour préciser ce que des découvertes récentes ont permis de connaître en ce qui concerne l'origine d'ICOSIUM, la colonie latine qui, au premier siècle de notre ère occupait le futur emplacement de l'El- Djezaïr des Beni-Mezrana. Jusqu'en 1940, on faisait le plus souvent dériver le nom d'Icosiion, du grec E-ikosi signifiant 20, allusion à vingt compagnons d'Hercule, qui auraient fondé la ville. Or en 1940 des monnaies de plomb furent découvertes lors des démolitions du quartier de la Ma- rine à Alger. Sur ces monnaies se trouvait Melquart le dieu phénicien, revêtu de la peau de lion attribuée, d'après la légende à Hercule. Elles portaient une inscription lue IKOSIM par M. Cantineau, Profes- seur de Langues sémitiques à la Faculté des Lettres d'Alger. Ikosicn est composé de deux mots : l'un qui signifie île et qu'on retrouve dans d'autres noms géo- graphiques de la Méditerranée, Ibosim (Ibica), dans l'archipel des Baléares ; Inosimn, l'île de San Pietro, au Sud-ouest de la Sardaigne ; Ironim, l'île de Cossyra (Pantellaria) dans le détroit de Sicile. Kosimn se révèle plus difficile à interpréter. M. Cantineau hésite entre le sens d'épines, l'île des épines, ou d'oi- seaux impurs, de hiboux, que peut avoir le vocable... « L'intérêt de ce nouveau vocable Ilcosirn, quelle que soit sa signification, est de nous donner l'o- rigine du mot Icosium, qui en est la latinisation, et aussi de nous montrer que ce qui a frappé les pre- miers habitants du site, les navigateurs et trafiquants puniques, c'est l'île, l'île-refuge, et, lorsque, bien des siècles plus tard, Alger change, de nom, c'est encore ce détail géographique qui a été souli- gné avec El-Djezaïr Beni-Mezrana, les îles des Beni-Mezrana... ». (L. LESCHI - Feuillet d'El-Djezaïr, Juillet 1941). (1) Pegnon, augmentatif de pena, gros rocher. Au sujet de l'orthographe de ce mot, voir la note p. 26. HISTOIRE DU PEGNON Le Comte Pedro Navarro, conquérant de Bougie, vint construire à grands frais et avec une mer- veilleuse promptitude sur le principal ilôt d'Alger, la forteresse qui reçut le nom de Pegnon à cause de la base rocheuse qui le supportait. Cette citadelle était destinée à tenir la population indigène en respect, à prévenir la piraterie et à assurer la perception du tribut annuel. Son emplacement est clairement précisé par ce passage du « Zohrat en-Nayerat », chronique indigène « Il existait au lieu même où l'on voit aujourd'hui la tour du phare, (l'auteur écrivait en 1780) deux ouvrages fortifiés occupés par les Chrétiens. Plus tard, lorsque ces forteresses tombèrent toutes deux au pouvoir de Kheïr ed-Dîn, il n'en conserva qu'une et fit servir les matériaux de l'autre à la construction de la jetée qui est encore debout. Le fortin conservé est celui qui sert de base à la tour du phare. ...Ainsi, la citadelle dite « Le Pegnon » se composait de deux ouvrages dont le plus considérable a fourni les matériaux avec lesquels on a comblé les intervalles entre les îlots et les écueils, tandis que l'autre, conservé jusqu'à nos jours, au moins partiellement, supporte la tourelle du phare. A. BERBRUGGER. Le Pegnon d'Alger - Alger 1860 2. - ALGER. - LA DARSE DE L'AMIRAUTE ~_cA JETEE KHAIR ED-DIN Aussitôt maître du Pegnon, Khaïr ed-Dîn fit démolir l'enceinte crénelée du fort et les bâtiments il ne conserva qu'un bastion servant de batterie du côté du large et une tour sur laquelle il installa ui fanal. Au-dessus de la porte d'entrée de cette tour, on voit encore un écusson en pierre, sur lequel pa- raissaient avoir été sculptées, et grattées depuis, les armes d'Espagne. Les débris de démolition furent employés à relier entre eux les petits écueils qui formaient une ligne presque droite entre l'ilôt du fort et la côte ; ce fut l'origine du môle qui a conservé le nom de Khaïr ed-Dîn. Ce travail fut achevé avec des pierres arrachées aux constructions romaines de Rus- gunium (Matifou) d'une part, et prises à des carrières voisines d'autre part ; en même temps, une par- tie des canaux qui. entouraient les îlots fut comblée, et l'ensemble du groupe rocheux devint une pres- qu'île. -Ces travaux auxquels furent employés tous les esclaves chrétiens durèrent trois ans. La date du 27 mai 1529 marque un des tournants de l'histoire algérienne ; elle fut le point de départ de l'ère d'Alger. MOTS DU PORT D'ALGER LA DARSE ACTUELLE DE L'AMIRAUTE A - flot du Pegnon. 1 - Bureaux de la Place. • - Ilot Nord. 2 - Hôtel de l'Amirauté (ancien palais du Dey). C - Petit Ilot. 3 - Fontaine de Baba-Ali. • Ilot Sud ou grand Ilot. 4 - Ancienne Mosquée. • Ecueils et bancs de sable (enracinement dit fu- 5 - Marabout. tur grand môle). 6 - Voûte du Père Levacher. F Ecueils (emnplacement de la future jetée Khaïr 7 - Chambre de la main sanglante. ed-Dîn). 8 - Minaret des Sultanes. C Ecueils (evnplacement du, futur môle de la San- 9 - Forte des Lions. té Maritime). • Roche à fleur d'eau supprimée par les Turcs. Des rn::. Basins existaient dans l'ilô_ au commencement du XVIIlènie siècle ; ils servaient à abri- ter le matériel d'ar}re:r_ent des vaisseaux et les marchandises prises. Les dernières constructions élevées sur le môle de Kheïr ed-Dîn, du côté de la nier, furent ache-- f' cs au comrnen:: n ent du XIXème siècle, ainsi qu'en témoigne une inscription turque placée entre TYiir d'- u-, qui a servi longtemps de chapelle à l'Amirauté (en face rie la Poste Navale aci:uelle). Notice historique d e l'Amirauté d'Alger p. 5. (Janvier 1950).. r DEUX CHEVALIERS DE MALTE EN MISSION OBSERVENT LE PORT D'ALGER A LA FIN DU XVIème SIECLE La muraille du rivage court également du Sud-Est vers le Nord-Ouest presque en ligne droite. Presqu'au milieu de (cette muraille) sort une langue de terre, qui forme comme un bras replié dans la mer à son coude, le terrain s'élargit beaucoup et forme comme une presqu'île. Le bras sert de port ou môle la presqu'île sert d'arsenal. On voit que le dit môle a été fait artificiellement, il ne peut con- tenir plus de vingt galères. Le fond y est grand, si bien que peuvent y entrer n'importe quelles gran- des naves. Mais ce n'est pas une place sûre pour l'hiver car, outre les vents dangereux qui sont ceux d'Est-Nord-Est et d'Est-Sud-Est, on doit y craindre aussi les renversements et les sautes des tempêtes venant d'autres aires de vent, surtout du Nord-Nord-Est. Il convient par suite en hiver de tirer à ter- re la majeure partie des vaisseaux, , de. démâter les rares qui restent en mer et de bien amarrer. Le port possède aussi une darse qui pénètre dans la ville elle-même où l'on peut tirer à terre quatre galères et quelques autres petits vaisseaux ; elle se ferme avec sa porte. (Cette darse) fait éga- lement office d'arsenal. A l'ultime pointe de l'entrée, le môle porte une petite tour avec deux pièces d'artillerie légère, qui sert pour la garde du même et de l'île. Celle-ci est entourée d'une muraille bas- se vers le rivage au dehors. Bien que la garde de cette tour soit très faible et peu importante, l'île et le môle sont néanmoins bien gardés et flanqués par les boulevards et courtines de la ville. (Ils sont pro- tégés) surtout par dix grosses pièces de bronze placées sur une grande plate-forme faite dans les murs de la ville, qui donnent au-dessus du môle. Extraits d'un rapport des Chevaliers F. Lanfréducci et J. Bosio - 1687. Revue Africaine - 1925. A PROPOS DE DARSE Darse et Arsenal sont deux mots qui, d'après Bloch et Wartbourg, viennent tous deux de l'arabe Dar Sinâ'a - arsenal maritime - q--&1:,o jh , littéralement « maison où l'on construit ». Darse est le mot gênois, tandis qu'arsenal désignait d'abord l'arsenal de Venise. 3. - ALGER AU XVIIème SIECLE Malgré le caractère fantaisiste de certains détails, l'ensemble de cette gravure montre nettement les caractères essentiels d'ALGER à cette époque. ASPECT GENERAL: - Le port, râison d'être de la ville : Ilots fortifiés reliés à la côte par un môle. - La ville est enserrée dans une enceinte triangulaire, - sa base s'appuie à la côte et au port, - la ville s'étage sur la colline, - au sommet : la Casbah proprement dite, palais forteresse. La ville paraît construite à l'image d'un château-fort ;au sommet du triangle, la forteresse ou Casbah fait fonction de donjon avec place d'armes et domine la ville ». Densité caractéristique des habitations tassées entre les murailles - rues étroites sinueuses, - pas de places véritables, mais quelques carrefours. ARTERES Une artère principale allant de la porte Bab-Azoun à gauche à la porte Bab et-Oued à droite de la gravure (voir également calque grav. n" 4). C'est le Souk el-Kébir. Une autre artère allant de la précédente au port. Ces deux voies principales, nettement visibles sur la gravure étaient étroites et de largeur iné- gale. DIVISIONS DE LA VILLE La ville est partagée en deux par le Souk el-Kébir, selon l'axe Bab-Azoun-Bab et-Oued : Ville basse et ville haute. La ville haute ou « Djebel » s'est conservée jusqu'à nous presqu'intacte. - La ville basse, voisine de la mer et du port - quartier des affaires : Souk el-Kébir est une rue très commerçante. Les rues voisines sont occupées par diverses corporations : souks des teinturiers, des fon- deurs, des babouchiers, etc... - 83 - 4. - VUE AERIENNE D'ALGER Cette vue aérienne de l'Alger moderne nous montre, grâce à son calque, ce qui reste du passé Le port primitif s'est conservé : il est devenu la DARSE DE L'AMIRAUTE à partir de laquelle le port n'a cessé de s'étendre vers le sud. Les remparts ont disparu, mais le palais--forteresse de la Casbah subsiste au sommet de la ville malgré d'importantes modifications. - Toute la ville basse a été détruite et sas maisons mauresques ont été remplacées par des i'anmu- bles. Quelques vestiges subsistent encore : Archevêché (Dar 'Aziza), Bibliothèque Nationale (Dar Mustapha Pacha), Dar el-Hamra, et.... La ville haute ou « Djebel » a à peu près conservé dans l'ensemble son caractère original. Les deux principales mosquées de la ville basse sont maintenant isolées . 5. - ALGER - DAR MUSTAPHA PAC HA Cette gravure représente le patio du Palais de Mustapha Pacha, rue Enfile Maupas à Alger. Selon H. Klein, ce Dey périt en 1805 assassiné à la porte d'une mosquée. Ses restes se trouvent ac- tuellement à la mosquée Sidi Abd er-Rahman à Alger. Ce palais, aujourd'hui occupé par la Bibliothè- que Nationale d'Alger, fut construit en 1798. Il possède dans le corridor d'entrée (sqifa) de très belles faïences hollandaises de Delft, et notamment de petits carreaux décorés de navires. Malgré ses dimen- sions et la richesse de sa décoration, c'est le type même de la MAISON BARBARESQUE : il suffira pour s'en convaincre, de lire les descriptions suivantes. LES MAISONS D'EL-DJEZAIR Les maisons n'y sont que d'un étage, toutes bâties de brique et de terre, mais enduites et lavées de chaux, sans avoir par le dehors ni beauté ni ordre d'architecture. Elles ne laissent pas pourtant d'être assez belles par le dedans On les pare d'ordinaire de petits carreaux de terre de diverses cou- leurs ouvrage à la mosaïque. Il y a quatre galeries en haut et en bas, avec une basse-cour au milieu. Les chambres, plus larges que longues, ne prennent jour que par les portes, qui sont fort grandes et toutes de la hauteur du plancher ; il est vrai que celles qui sont sur la rue ont quelques fenêtres. Elles n'ont presque point de jardins et sont toutes fort pressées. (P. Dan). Les maisons sont généralement construites en pierre et en briques, de forme carrée et assez soli- des Il y a à peu près dans toutes une cour pavée au milieu, proportionnée à leur grandeur et autour de laquelle règnent des galeries soutenues par des colonnes et où sont les appartements. Les portes des chambres, qui sont presque toujours de la hauteur de la galerie touchent ail plancher qui est fort éle- vé ; ces portes sont à deux battants. Les -hambres sont éclairées par de petites fenêtres, filais surtout par les portes, qui procurent suffisamment de four. Les galeries sont surmontées d'une terrasse qui sert de promenade aux personnes de la famille, et pour faire sécher• le linge. Il y a ordinairement su:' l'un des côtés un petit pavillon de travail, d'où l'on peut facilement ooserver ce qui se passe en mer, ce qui intéresse beaucoup les algériens. Il y a sur chaque terrasse unc.échelle pour communiquer avec les maisons voisinés, dont la partie supérieure est toujours ouverte. (T. Show). w'* Alger contient environ 5.000 maisons toutes bâties sur le même plan, de sorte que lorsqu'on en voit une on peut avoir une idée de toutes les autres grandes et petites. Elles sont revêtues de chaux ou de l=ois, et on les blanchit au moins une fois l'an. Il est rare que les maisons aient des fenêtres sur la rue ; elles en ont sur la mer lorsqu'elles sont situées de manière à la voir ; les fenêtres sont à peu près grandes et ont la même forme que les fenêtres des colombiers. La porte d'entrée donne sur un espace plus ou moins grand où les hommes s'asseyent pour cau- ser avec les voisins. La porte intérieure ouvre sur une cour carrée ou oblongue parée en pierre ou en marbre ; tout autour de cette cour règne une galerie soutenue par des colonnes de pierre ou de mar- bre. Aux quatre faces sont des appartements d'une forme oblongue et étroite qui ne reçoivent le jour que par la porte et les deux fenêtres (lui sont à c^té de 1a porte. Au dessus de cette galerie est une, autre galerie qui soutient les terrasses et les appartements y sont construits dans .le- même ordre que ceux du dessous. Aux côtés de l'escalier qui conduit aux appartements supérieurs et à la terrasse, on pratique quelques chambres pour les domestiques. (Venture de Paradis). N.B.- Voir également « La maison mauresque », dans les petits exercices sur l'Art algérois d'épo- que turque. 6. - ALGER - UNE RUE DE LA CASBAH ASPECT: La plupart des rues sont très étroites. Aujourd'hui encore, certaines d'entre elles ont moins d'un mètre de large. Les maisons s'avancent au-dessus de la rue par des encorbellements en saillie qui s'appuient sur des rcindin`s dé-thuya `(voir à gauche de la gravure). Souvent, les façades s'épaulent mutuellement grâce à des rondins placés au-dessus de la rue. Enfin, les façades se rejoignent parfois comme au fond de la gravure et forment un passage cou- vert en voûte ou en rondins. Ces passages nommés sâbat plur. souâbet ,1s-.jls...+ sont très obscurs, même en plein jour. Les escaliers dûs à la déclivité du terrain sont fréquents. Pas de trottoirs qui seraient inutiles. Seuls les piétons circulent. De petits ânes bâtés de grands paniers assurent encore de nos jours les services de voirie et le transport des matériaux de cons- truction. Les boutiques, étroites, donnent directement sur la rue comme nos échoppes du Moyen Age. No- ter sur la gravure le marchand devant sa porte ; le soir venu il fermera sa boutique et regagnera son logis. A droite de la gravure, on remarque la façade de la mosquée hanéfite Djama 'Safir (1534), avec son mihrab en saillie et, au fond, son minaret. Cette mosquée fut construite par Safar ben Abdel- lah, affranchi de Khaïr ed-Dîn. CAUSES Comme dans nos villes moyenageuses, il était nécessaire d'exploiter au maximum la place dispo- nible à l'intérieur des remparts : d'où façades en encorbellements permettant de récupérer à hau- teur du premier étage, le peu de place perdu dans la rue déjà très étroite. Le peu de solidité de la plupart des maisons et la crainte des tremblements -de terre dont certains eurent des effets dévastateurs, ont poussé les bâtisseurs à étayer les maisons en les faisant s'ap- puyer mutuellement les unes contre les autres soit par des rondins, soit directement en formant voûte au-dessus de la rue. Ces rues sombres et fraîches sont adaptées au climat et on y circule à l'abri du soleil. 7. - ALGER - LE BARDO LE PASSE DU BARDO Sur le passé de cette belle villa algéroise, sur l'homme de goût qui la bâtit vraisemblablement au XVIIlème siècle et sur ses premiers occupants, nos renseignements demeurent imprécis. Le nom de Bardo qu'elle porte, déformation probable du « Prado » espagnol, nous fait penser au somptueux palais que les sultans Hafcides possédaient dès le XVème siècle dans la banlfeue de Tunis. Telle est peut-être l'origine de la tradition qui concerne notre villa.. Elle l'attribue comme résidence à un noble tunisien exilé, que nous identifions volontiers avec l'énigmatique Prince Omar, mentionné par Henri Klein dans ses Feuillets d'El-Djezaïr. (Extrait de « Le Bardo, Musée d'Ethnographie et de Préhistoire d'Al- ger). LÉS MAISONS 'DE 'CAMPAGNE Les maîtres d'Alger semblent avoir eu un goût très vif pour la campagne. Ils s'y transportaient avec leur famille dès le retour de la belle saison. Leurs femmes y appréciaient une liberté plus lar- ge après la réclusion que leur imposait la vie urbaine, et ils y jouissaient de la fraîcheur et de l'abon- dance des fruits, que leur procuraient des jardins soigneusement entretenus. Les vallées et les coteaux charmants du Sahel étaient parsemés de villas bâties par les raïs. Le' Dey Mustapha avait sa demeure des champs (l'actuel Palais d'été) avec ses dépendances affectées aux gens de sa maison (la villa Yoûsouf, le Bardo, l'orphelinat des soeurs de St Vincent de Paul), ces villas remaniées et, quelques autres de la banlieue algéroise, telles que la villa Mahieddîn ou la villa des Ar- -86- cades, que l'on dit avoir appartenu au Raïs Hamidou; nous révèlent une ordonnance bien adaptée au climat et aux besoins de leurs hôtes. La maison conserve ses organes essentiels : la sqifa (corridor), les cours intérieures encadrées par des galeries et les chambres. Mais l'espace moins: mesuré a permis de s'étendre, de multiplier les cours plantées ou couvertes de treilles, closes de murs ou longées par des portiques servant de passa- ges ou de lieux de repos. G. MARCAIS - Manuel d'Art Musulman T. 11 page 815 8. - ALGER - LES CANONS IDE LA CASBAH Cette vue récente a été prise des remparts de la Casbah. LÂ CASBAH La Casbah est un palais-forteresse situé au sommet du triangle fortifié occupé par la ville. C'est à tort que les Européens nomment Casbah la vieille ville arabe qui s'étage sur la colline et qui porte en réalité le nom de H Djebel » (montagne). Son rôle Le Dey Ali Khodja s'y installa en 1816 par crainte des émeutes populaires et des janissaires aux- quels le Dey ne pouvait échapper en demeurant dans la Jenina (située près de l'actuelle place du Gou- vernement). Noter que les canons que l'on voit sur la gravure sont dirigés vers la ville et le port. LA CASBAH EST UN PALAIS La Casbah n'était pas seulement une forteresse mais aussi un palais. Voici une description de la cour de ce palais qui est devenu de nos jours le musée Franchet d'Espérey Vaste et belle, cette cour est pavée de marbre et entourée d'une galerie couverte formée par un_ rang d'arcades mauresques, soutenue par des colonnes de marbre ; une fontaine en forme de coupe, du milieu de laquelle s'élève un mince jet d'eau, est le seul ornement de cette cour. Un des côtés était couvert de glaces de toutes formes et de tous les pays ; une banquette régnait sur toute la longueur et, à l'une des extrémités, elle était recouverte d'un tapis de drap écarlate ; c'est sur ce tapis que se pla- çait le Dey quand il tenait audience aux consuls. C'est de là que partit le fameux coup de chasse- mouches qui a été cause de sa chute. Quelques tap.`s de 'Smyrne, une pendule Boule, un meuble de la.. que contenant un Koran et plusieurs baromètres anglais ». (Merle - Anecdotes - 1851). LES CANONS D'ALGER Les Turcs avaient élevé autour d'Alger de formidables défenses. Il ne s'y trouvait pas moins de 1.800 canons. « Les batteries de cette ville, dit le Capitaine Barchou qui visita celles-ci en 1830, étaient bâties avec une magnificence extrême. Les pavés, les murailles, les embrasures étaient faits avec un luxe de matériaux, un fini de travail dont on ne saurait se faire une idée. Je vois encore l'admiration sans fin de nos artilleurs sous les voûtes casematécs du môle. Les em.. brasures se trouvaient garnies de pièces dont quelques-unes étaient remarquables par leurs riches cise- lures qui les recouvraient ; d'autres par leur histoire. La Consulaire était au nombre de ces derniers ». Beaucoup de ces canons furent fondus à Alger, à Dar en-Nehas (la maison du bronze), sou, la di- rection d'ingénieurs européens. Mais le plus grand nombre étaient des prises de guerre. Aussi les forts- d'Alger possédaient-ils des bouches à feu de tous les calibres et de toutes les origines, ce qui ne lais- sait pas de causer parfois quelque embarras aux Tobg is (artilleurs turcs) chargés de leur service. Cc fut à l'Amirauté que les pirates accumulèrent le plus de pièces d'artillerie. On en trouva 300 en 1830. Certaines batteries du môle présentaient jusqu'à quatre étages d'embrasures. Le nombre total des pièces de bronze que comprenait l'armement d'El-Djezaïr était de 900. Cel- les-ci avaient en leur ensemble, un poids de 3 00C quintaux. Feuillets d'El-Djezaïr 5ème vol. p. 45. 9. - ALGER - LA PORTE BAB-AZOUN L'ENCEINTE ET LES PORTES D'ALGER Dans l'enceinte fortifiée de la ville, refaite par Khaïr ed-Dîn et ses successeurs, s'ouvraient 5 por- tes principales, (Porte se dit Bâb en arabe) 1 Au S`O. et au pied de la Casbah, Bab el-Djedid ou <. Porte Neuve », 2 -- Au S. « Bab-.Azoun » ou la « Porte d'Azoun », 3 A 1'E. Bab el-Bahr ou la « Forte de la Pêcherie », 4 A PE. Bab el-Djezira,ou la « Porte de l'Ile » donnant accès au môle, 5 -- Au N. Bab et-Oued ou la « Porte de l'Oued » (voir vue aérienne et calque). Les murailles couronnées de créneaux et percées de meurtrières portaient à petites distances des tours à peu près carrées et seize bastions représentant 214 embrasures de canons La partie inférieure était en pierre de taille et la partie supérieure en briques crues., Les fossés avaient vingt pieds de large sur sept de profondeur. LA FORTE DITE « BAB-AZOUN » représartée sur la gravure, était la plus importante de tou- tes parce que c'est de là que partaient toutes les routes de l'intérieur. Les chameaux, chargés de ballots de marchandises, donnent une idée des caravanes qui venaient ravitailler la ville ou faire du négoce. Sous les murs au premier plan, on distingue un fondouk où les marchands maures logeaient quand ils apportaient les provisions à la ville. Contre les murs, à droite et à gauche de la porte, sont de grands crochets de fer (les ganches). « C'est là marne - nous dit le Père Dan - qu'on exécute les Turcs à mort, l'on y voit toujours quel- ques-uns qui sont enganchés, comme ils disent, ou accrochés aux murailles ». Sur la gravure, à droite de la porte, un condamné dans cette position. Ce supplice était réservé aux grands r'-=minels ou aux esclaves qui essayaient de s'insurger. Le document illustré qui vient d'être commenté, est la reproduction d'une gravure extraite d'un ouvrage hollandais datant de 1688, ce qui peut expliquer quelques imprécisions dans le dessin, en par- ticulier la silhouette fantaisiste des _hameaux au col de cygne, et les costumes des Arabes et des Mau res, rappelant ceux de la Hollande du XVIIème siècle. 10. - ORAN - LA PORTE DITE D'ESPAGNE Elle est située à l'issue de la rampe d'entrée de la Casbah (Alcazaba, Aicazar des Arabes, et-. Castillo Viejo, le « Vieux Château » des Espagnols), en venant de la place des Quinconces. L'accès de ce côté est muré aujourd'hui. On ne peut plus l'atteindre que par la rue du vieux Château, au Sud de la Préfecture. Cette monumentale porte voûtée est tout ce qu'il reste actuellement du Palais de la Casbah, oc- cupé par les gouverneurs espagnols. Ce bâtiment à deux étages groupait trente sept pièces, des bu- reaux, des écuries, des remises, un hôpital militaire. Reconstruit vers 1589, cet édifice fut détruit par le tremblement de terre de 1790. Surmonté d'une grande couronne royale et de l'aigle bicéphale de la Maison d'Autriche, l'écusson est flanqué de lions rappelant probablement les aimes de la ville espagnole d'Oran, telles qu'on peut les observer à la fontaine, datant de 1789, dans la rue d'Orléans. L'écu représente des fragments des armes de Castille, du royaume de Léon, de Jérusalem. Robert TINTHOIN Archiviste en Chef du Département d'Oran. 11. - EXPEDITION DE CHARLES-QUINT Voir Partie historique, XVIème siècle p. 27 et Lectures n°s 9-10. 12. - ALGER - MOSQUEE DE LA FECHERIE Sur cette gravure apparaissent les deux principales mosquées algéroises telles qu'elles étaient à l'époque de la conquête, dominant la rive à l'entrée de la darse dont on voit les navires au fond, à l'extrême droite. De nos jours la construction d'un boulevard en avant de ces deux édifices, dissimule à demi la mosquée de gauche et lui ôte tout son cachet. - 88 - La mosquée au fond à droite est la grande mosquée almoravide datant de 490 de l'hégire - 1096 de l'ère chrétienne (voir « l'Afrique Musulmane au Moyen Age, page 55). Cette mosquée est du type classique : plan ayant la forme d'un vaste rectangle, de même que la ,cour, nefs et travées se coupant à angle droit, étirement de la salle de prière dans le sens de la largeur pour permettre le déploiement des rangées de fidèles pendant la prière en commun. Les nefs parallè- les sont couvertes de toits à double pente qui apparaissent nettement sur la gravure. Toute différente est la mosquée située au premier plan à ,gauche,. et. dite mosquée-de la Pêcherie, ou El-Jâmi ' ej-Jdîd. « La mosquée de la Pêcherie, dite Et-Jâmi ' ej-Jdîd, fut construite en 1660 (1) par la milice d'Alger avec les fonds du Sboulkheirât, institution créée pour recueillir et administrer les offrandes faites au profit de la secte hanéfite. Fondée par la collectivité de l'Odjâq, dont les membres d'origine turque étaient hanéfites, cette mosquée est restée le grand temple hanéfite d'Alger et c'est à 1a- Turquie que son architecture fait naturellement `penser » Cette mosquée' câracts sée_.par sa cou pole, haute intérieurement de 24 mètres, de forme ovoïde et qui s'appuie sur quatre berceaux voûtés en plein cintre et disposés en croix. Chacun des quatre angles entre les branches de la croix est sur- monté d'une coupolette. Le berceau opposé au mihrab indiquant la qibla, la direction de La Mecque « se prolonge et s'accompagne de bas-côtés portant des tribunes ». « L'allongement du berceau opposé à la qibla. qui détermine un plan assez analogue à la croix la- tine des églises, a donné naissance à la légende de l'architecte chrétien marquant le temple des infidè- les du symbole de sa foi. Outre que l'on n'imagine pas à quelle nation chrétienne pouvait appartenir le constructeur qui créa, dans la seconde moitié du XVIIème siècle, cette eeuvre si différente de ce qui se faisait alors en Espagne, en France et en Italie, il paraît en somme aisé de reconnaître les modèles musulmans qui ont dû l'inspirer. Le thème initial est manifestement byzantin. La coupole centrale à pendentifs appuyée sur quatre berceaux en croix et contrebute par des coupolettes d'angle est une -solution presque classique, que l'on trouve notamment à Kilisse Djami ' de Constantinople. Il ne serait pas impossible de trouver pareillement, dans la Péninsule balkanique, des exemples d'allongement de la mosquée dans le sens opposé à la qibla. On peut noter aussi que le besoin d'ac- (1) 1070 de l'Hégire. s -89- t croître l'édifice dans cette direction se révèle déjà-dans les mosquées algéroises comme celles de 'Alî Bitchnîn (1), ou de Ketchâwa. Dans l'un et l'autre eas, il s'•agissait d'augmenter la place réservée aux fidèles Les tribunes qui, couvrant les galeries, s'interrompent au transept et dans la nef centrale ont_ le même but. Cette mosquée, d'allure si profondément turque, est pourvue d'un minaret carré à lanternon de silhouette maghrebine. Les faces en étaient dé:orées d'ovales inscrits dans des défoncements rectan- gulaires où l'autorité française a fait placer une pendule . Une frise de faïence règne au-dessus ». G. MARÇAIS ~_ Manuel d'Art Musulman, T. 11 P. 789-792 (1) L'actuelle Notre Dame des Victoires. A. Picard - Paris - 1926 13. - UN DEY Cette image d'Epinal, naïve et fantaisiste, permet néanmoins d'évoquer devant de jeunes enfants ce que devait être un Dey : Riche costume, harnachements brodés de la monture, majesté du cavalier., « Le Dey avait une barbe jusqu'à la ceinture, un bonnet plat sur la tête avec un turban autour,. une robe de Hollande fourrée de martre sublime ». (De Rocqueville). « Il était assis dans la salle d'audience avec les pieds croisés comme ici les tailleurs quand ils tra-. vaillent, sur un large banc couvert d'un tapis bleu. Il avait dans la main un éventail de femme. Son habit était une longue robe de soie rouge et il avait sur la tête un grand turban artistement entrelacé ; les jambes nues C'était un homme de bonne mine ».(E. D'Aranda). REMARQUE - Le nom du Dey Hussein s'est conservé jusqu'à nous avec la ville d'Hussein-Dey dans la banlieue d'Alger. 14. - UN JANISSAIRE -- Ce capitaine de Janissaire, armé d'un grand cimeterre a fière allure dans sa longue robe. 11 porte un bonnet de drap assez haut, surmonté d'une gaine de bois avec une décoration cruci-- forme, insigne de son grade. D'autres officiers portaient une corne dorée ou un panache de plu- mes de héron. Une longue bande de cuir lui pend dans le dos, c'était également une marque distinctive des officiers de l'Odjaq. Cet uniforme est complété par une robe ouverte et une culotte de toile retenue par une ceintu- re de drap enroulée autour de la taille. Armement : « Durant la période des Beylerbeys,l'Odjaq utilisa les arquebuses et les flèches, concurremment avec les armes à feu, lés épées droites à une ou deux mains, les sabres cintrés et les poignards ». (Julien). 15. - PORTRAIT DE KHAIR ED-DIN Ce beau vieillard au regard intelligent et quelque peu cruel est coiffé d'un volumineux turban... Il porte une barbe drue et frisée dont la couleur lui valut le surnom de Barberousse, (Barbarossa. Aena- barbus, dans les correspondances de la cour de France). Ce surnom fut également donné à ses autres frères. Kaïr ed-Dîn est vêtu d'une robe richement chamarrée, sans doute le caftan de grand amiral de la flotte ottomane. Il était de grande taille, robuste « et bien qu'il ait été très bon pour les Turcs, ceux-ci le crai- gnaient beaucoup parce que, une fois qu'il était en colère, il n'y avait plus moyen de l'apaiser». (Haëdo) D'après la notice biographique que lui a consacrée G. YVER dans l'Encyclopédie de l'Islam, es- quissons à grands traits la vie de cet homme qui fut tour à tour corsaire, homme d'Etat et amiral. UNE ADOLESCENCE AVENTUREUSE En compagnie de leur frère Ishac, 'Aroudj et Kaïr ed-Dîn passent en Méditerranée occidentale. et s'installent à Djerba. Ils ont alors respectivement 20 et 18 ans. Puis ils pratiquent la piraterie à partir de La Goulette (Tunis) et viennent en aide aux Musul- mans chassés d'Espagne. Brouillés avec le Sultan de Tunis, ils font de Djidjelli leur base d'opérations après avoir tenté de- prendre Bougie aux Espagnols. -90- CORSAIRE ET FONDATEUR DE LA REG>±.NCE D'ALGER - 'Aroudj, appelé par les Algérois, se fait proclamer roi d'El-Djezaïr. Maître de Tlemcen, il doit abandonner la ville aux Espagnols et meurt les armes à la main. - Khaïr ed-Dîn avait jusqu'ici combattu sous les ordres de son frère, choisi par ses compagnons pour lui succéder, il dut faire face à une situation difficile : Révolte de Cherchell et de Ténès, in- vasion de la vallée du Chéliff par Abou Hammou roi de Tlemcen, hostilité des Algérois, défection du Sultan de Kouko (petite Kabylie), allié de son frère. Khaïr ed-Dîn consolide sa position en faisant hommage de ses possessions au Sultan de Constan- tinople, Sélim qui lui envoie 2000 Janissaires et de l'artillerie. Ces renforts lui permettront de réprimer une révolte des Algérois, appuyée par une escadre es- pagnole (1519). Cependant, battu par une armée tunisienne sur le territoire des Flissas (Kabylie) et coupé d'Al- ger à nouveau révoltée, il se réfugie à Djidjelli (1520-1525) pour y refaire ses forces. De retour à Alger, il s'empare du Pegnon (27 Mai 1529), libère la ville de la menace espagnole, et jette les bases de ce qui devait être la Régence d'Alger. AMIRAL DE LA FLOTTE En 1533, le Sultan de Constantinople le nomme grand amiral, à 50 ans, haïr ed-Dîn commence une nouvelle carrière. Le 16 août 1534, il enlève La Goulette et marche sur Tunis, mais il en est délogé par Charles- Quint en 1539. Peu après, Khaïr ed-Dîn est rappelé à Constantinople par le Sultan Soliman et travaille à la ré- organisation et au développement de la flotte ottomane. Du côté européen, son principal adversaire sera désormais André Doria, un Génois au service de Charles-Quint. Bien qu'il prenne une part active à la lutte contre Venise dans les îles de l'Archipel et du Dodé- canèse, il entend poursuivre la guerre contre l'Empire espagnol, dans le bassin occidental de la Médi- terranée, ce qui implique le maintien de l'alliance avec François le'. C'est pourquoi Khaïr ed-Dîn fut le confident des ambassadeurs du Roi Très Chrétien, et le chef du parti français de l'entourage du Sultan. En 1543, Nice, alliée de Charles-Quint, est occupée grâce à l'action conjuguée des- flottes fran- çaise et turque : les Ottomans, hivernent à Toulon. Cette campagne terminée, Khaïr ed-Dîn regagna Constantinople où il mourut le 4 juillet 1546 à l'âge de 63 ans comblé d'honneurs et de richesses 16. - UN RAIS PORTRAIT DU RAIS HAMIDOU « Je regrette que les usages musulmans m'aient enlevé les moyens d'employer le crayon au lieu de la plume, c'eût été plus court et plus ressemblant. Tout ce que je puis dire de mon raïs, c'est qu'il était de taille moyenne, mais bien prise, et qu'il avait le teint blanc, les yeux bleus et le poil blond. Conformément à la mode immémoriale des raïs, il se rasait toute la barbe et ne gardait que les mous- taches auxquelles par compensation, il donnait toute liberté de croître. Pour moi c'est bien ainsi que je me représente un raïs : une figure rasée, des moustaches assez longues pour pouvoir être nouées derrière la tête, plus une énorme pipe. J'ajouterai que Hamidou n'était ni turc ni coulougli (issu de l'alliance des Turcs avec les femmes indigènes), il appartenait à cette classe d'arabes fixés dans la ville depuis plus ou moins longtemps. Quant au moral, il est bien entendu que je n'ai recueilli que des renseignements favorables. Hamidou était hardi, courageux, généreux, beau parleur, élégant dans sa mise et avenant avec tout le monde, les petits comme les grands, ce qui le faisait généralement aimer. Prompt à la répartie, il était légèrement hableur et fanfaron : mais n'en avait-il pas le droit, puisque ses actions ne dcmen- taient jamais ses bravades ». A. DEVOULX Notice biographique. 17. - 18. - GALERE BARBARESQUE - GALERE EUROPEENNE Cette gravure, (n° 17), extraite de l'ouvrage du P. DAN (édition hollandaise), représente une ga- lère barbaresque vue de profil. Le schéma, (gravure n- 18) donne une idée de la galère classique. Il est bon d'avoir également sous les yeux la gravure n" 19 (Bataille de Lépante), où l'artiste a représenté les galères géantes ou galéasses, en usage à la fin du XVIème siècle. La comparaison de ces trois documents permet de constater que la galère barbaresque, plus peti- te que la galère ordinaire n'a qu'un arbre (mât), qu'un seul canon dit de « coursier », pas de châ- teau de proue : ce qui l'apparenterait plutôt à une galiote, ou petite galère, n'était la puissance de sa chambre de vogue avec ses 24 avirons de 5 rameurs. Tout y est sacrifié à la légèreté et à la rapidité. Comme le remarque A. Thevet, « je sais par expérience de quelle hardiesse sont ces corsaires, (barbaresques), lesquels, avec une seule galère ne craindront pas d'investir deux navires et de leur voltiger autour à leur aise par le moyen des rames, les canonnant de tous côtés ». (1) CONSTRUCTION DES GALERES D"ALGER Une cale sèche aménagée dans la Darse d'Alger permettait la construction de ces navires avec du bois de la région de Cherchell ou de Kabylie orientale expédié par Bougie. La Régence, pourtant tributaire des Etats chrétiens pour les avirons (Provence. Italie) et les agrès. Hollande, Angleterre, Pays scandinave), n'en manqua jamais. QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LES GALERES Ces navires à rames, utilisant occasionnellement le vent, formèrent l'élément principal des flot-. tes militaires en Méditerranée, du XIIème au XVIIème siècle. Cinq ou six fois plus longs que larges, ils entraient dans la catégorie des- « bateaux longs ». Leur tenue à la mer était médiocre. C'est pourquoi, dit le P. DAN « durant l'automne, saison en laquelle les vents sont le plus à craindre, les galères sont rarement en voyage, et ne vont sur muer que depuis le mois de mai jusqu'à celui de septembre ». DES RAMES ET DES BANCS La partie centrale du navire; ou chambre de vogue, était occupée par les rameurs. De chaqu. bord, on comptait en moyenne 25 avirons de 12 à 16 m de long, chacun d'eux était ser- vi par 5 rameurs. Les manches des raines, trop gros pour être saisis commodément, étaient munis de poignées ou « manilles ». Pendant la manoeuvre, les galériens enchaînés se tenaient debout, un pied sur la « pédague » (grosse poutre servant de marchepied), l'autre placé un peu plus bas sur une autre poutre (voir des- sin ci-dessous). C'est seulement au repos qu'ils pouvaient gagner leur banc. La puissance des galères était estimée en bancs (de rameurs) : la galiote avait de 12 à 19 bancs, la galéasse, 26 bancs de 6 à 7 rameurs. Les rameurs d'un navire, constituaient la CHIOURME, placée sous la surveillance du Comite et des argousins. Ceux-ci circulaient dans le couloir central (coursier) et, selon les ordres du Commandant installé dans le château de proue, ils donnaient de la voix, du sifflet ou enfin du fouet sur les dos nus des galériens. BOMBARDES CANONS ET HOMMES D'ARMES Des bombardes ou des canons étaient généralement disposés sous le château de proue, d'autres dans le couloir central. Une galéasse pouvait avoir jusqu'à 50 bouches à feu. Les hommes d'armes, véritable infanterie de marine, se tenaient sur la galerie extérieure, à cha--- que bord du navire, entre les bancs et la mer. Les grandes galères pouvaient embarquer jusqu'à 270 soldats casqués et cuirassés, armés de bou- chers, de mousquets, d'arquebuses, de javelots, de piques ou mêmes d'arcs et d'arbalètes. (1) D'après A. THEVET - Cosmographie Universelle 2 vol. - Paris 1575. - 92 - ODEURS ET BESTIOLES « Les mauvaises odeurs sont si fortes qu'on ne peut s'en garantir malgré le tabac dont on est obli- gé de se bourrer le nezz depuis le matin jusqu'au soir ». Et Jurien de la Gravière ajoute, « les mouches exercent leur empire le jour, les punaises la nuit, les puces et les poux, la nuit et le jour. Quelque précaution que l'on prenne, on ne saurait réussir à s'en garantir ; cette affreuse vermine ne respecte pas même les cardinaux, les ambassadeurs ou les tê- tes couronnées DISPARITION DES GALERES En France, les galères ont duré jusqu'en 1773 où elles figuraient encore dans les états de la mari- ne royale. - En Afrique du Nord, « au cours du XVllèmesiècle, les corsaires méditerranéens délaissèrent peu à peu les galères pour adopter les navires à voiles ». Un renégat hollandais. Simon DANSER les initia à la construction et à la manoeuvre des voiliers. LES GALERES DANS L'HISTOIRE DE FRANCE L'ordonnance d'Orléans en 1561 est le premier texte législatif qui fasse mention de la peine des galères (art. 104). La Révocation de 1'Edit de Nantes rendit ces navires tristement célèbres. Alors que les autres galériens, les forçats, étaient relâchés à l'expiration de leur temps, un règlement spécial de Louis XIV ordonna « ou' un homme condamné pour cause de religion ne sorti- rait jamais des galères ». On y envoya des Protestants de tous âges, des moins de 15 ans et des vieillards de 80 ans. Dans l'échelle des peines, celles des galères à perpétuité était moindre que la mort et plus fort que le bannissement perpétuel, elle comportait aussi la mort civile et la confiscation. Le Code pénal de 1791 a substitué la peine des fers à celle des galères. 19. - BATAILLE DE LEPANTE (5 Octobre 1571) C'est l'une des plus grandes rencontres de l'Histoire. LE CADRE Le port naturel de Lépante est situé à l'entrée du golfe de Corinthe qui sépare le Péloponèse de la Grèce continentale. La flotte ottomane ancrée à Lépante, contrôlait l'entrée de la mer Ionienne et la route maritime de Venise. LES FORCES EN PRESENCE 202 grandes galères chrétiennes ou « galéasses », montées par 29.000 soldats espagnols et alle- mands, 208 galères turques. A la fin de la journée, 116 galères turques étaient capturées, d'autres gisaient sur le côté. Don Juan avait perdu 12 galères. LA GRAVURE : UN ASPECT DE LA BATAILLE Cette gravure complète celles déjà consacrées aux galères. Impression de grouillement intense, de grande confusion, qui traduit l'acharnement de la lutte. Cette bataille navale semble surtout un combat d'infanterie. Chaque navire est une forteresse qu'il faut détruire par le feu ou prendre à l'abordage. A bord des galères espagnoles, « les esclaves chrétiens avaient été désentravés et munis d'armes avec promesse de 1}bération à ceux qui se seraient signalés par leur vaillance. Les Musulmans, par contre, avàient vu leurs-chaînes renforcées et: leurs mains avaient été mu- nies de gantelets rigides qui les rendaient impropres à tout autre usage que celui de la rame... Don Juan, monté sur une frégate légère et rapide parcourut le front des navires... A un signal donné, un crucifix fut hissé à l'antenne de chaque galère, les équipages tombèrent à genoux, et. un moine les aspergeant d'eau bénite leur donna une absolution générale ». (1). Les soldats de la « Sainte Ligue » sont casqués, cuirassés, protégés par leurs boucliers et armés du mousquet, de piques et d'épées. Les Ottomans, sans cuirasse, sont armés du cimeterre et de l'arc, qui resta en usage longtemps après l'invention des armes à feu. Au centre de la gravure, des corps à corps acharnés se poursuivent sur les débris d'une galère. Des vigies turques, touchées à mort, tombent de leur « nid de pie » en tournoyant. A l'arrière plan, des navires en flammes. RETENTISSEMENT DE CETTE VICTOIRE - Lépante, première victoire navale des Chrétiens sur les Turcs, eut un retentissement considéra- ble. - Le peintre Andrea Vicentino l'immortalisa par une fresque magnifique qui orne le palais ducal de Venise, et que notre gravure reproduit partiellement. - La victoire de Lépante ne fut cependant pas aussi décisive qu'il apparut tout d'abord. « Vous nous avez coupé la barbe, dit le grand Vizir à l'Ambassadeur de Venise, elle repoussera plus drue », l'année suivante, la flotte ottomane était reconstruite. REMARQUES - - Rappelons que Cervantès commandait à Lépante une escouade de douze hommes et qu'il y reçut deux blessures, dont l'une le priva de sa main gauche. Dernier écho des luttes d'antan, la grande cathédrale de Barcelone possède encore un « Christ de Lépante » particulièrement vénéré. (1)Henri CAMBON. DonJuan d'Autriche, le vainqueur de Lépante p. 56 - Hachette 1952. -94- 20. - UN ESCLAVE ET SON MAITRE Ce dessin extrait d'un ouvras ge hollandais édité en 1686 nous montre un esclave accompagnant son maître. Ce cavalier richement vêtu qui caracole sur une impétueuse monture est sans doute un person- nage important : dignitaire ou riche marchand. Il se rend peut-être à sa villa, demeure de plaisan- ce qu'il a bâtie hors de la ville. L'âne porte une grande corbeille d'osier recouverte d'une toile légère. Pendant le voyage, elle abrite l'épouse du Turc. Ainsi installée, la femme turque jouit d'un confort, relatif. La toile légère lui permet de voir ce qui se passe à l'extérieur sans être vue. L'esclave qui guide sa monture est vêtu d'une longue chemise de toile grossière et son bonnet de matelot le fait reconnaître facilement. L'un de ses pieds nus supporte une longue chaîne_ en- roulée autour de sa taille. 21. - RACHAT DES ESCLAVES Cette gravure est la reproduction du frontispice de l'ouvrage du Père DAN. Les Pères de la Merci ont étalé leur trésor sur une table. Les Turcs « bâton haut » libèrent les captifs amenés à droite. et s'apprêtent à percevoir leur rançon. Au dessus, un combat naval : des galères barbaresques entourent un vaisseau dont les mâts por- tent la Croix de Malte. L'ensemble n'a qu'une valeur symbolique, car en réalité, les négociations de rachat étaient moins simples. (Lecture n" 42). 22. - LES ETABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'EST : LA CALLE Dès la seconde moitié du XVème siècle, les Français avaient installé des comptoirs sur la côte. nord-africaine, de Bône à Tabarka, Vers 1550, avec l'autorisation des chefs de la Régence d'Alger, l'appui du Sultan et du Roi de France, de très entreprenants Corses de Marseille, tel Thomas Lancio, créèrent une compagnie solide- 1 ment organisée, « La Nostra Compania Della Pesca Da Coralli Da Buona » qui vint s'établir sur la côte 1 ment organisée, « La Nostra Compania Della Pesca Da Coralli Da Buona » qui vint s'établir sur la côte de l'actuel département de Constantine. Vers 1679, la presqu'île de La Calle devint le centre principal des Etablissements français, par suite de l'abandon du Bastion de France, en raison de son insalubrité. La disposition des lieux nous permet de comprendre pourquoi depuis l'antiquité punique et ro- maine, ce havre naturel, avec sa petite darse à l'est, attira les bateaux en quête d'un abri sur cette côte- inhospitalière. inhospitalière. Au temps de « la Compagnie d'Afrique » ,le rocher parallèle à la mer, véritable citadelle, abri- tait alors les chantiers de radoub chargés d'assurer l'entretien de la flotte des corailleurs. Le vieux moulin fortifié qui domine à l'Ouest l'entrée du port, en défendait l'accès en protégeant le Sud et l'Ouest de cette capitale des concessions françaises. De la longue histoire très mouvementée de ces comptoirs, retenons que les Provençaux solidement installés au Cap Rosa, au Cap Roux, au Bastion de France et à Marsa El-Kharaz (le Port aux Brelo- ques) devenu La Calle de Massacarès (par déformation), édifièrent des logements, des magasins, et malgré l'interdiction d'Alger, des forteresses. Plus tard, ils passèrent de la pratique de la pêche au com- merce des céréales, grâce auquel la Provence se procurait du blé à meilleur compte que celui venu merce des céréales, grâce auquel la Provence se procurait du blé à meilleur compte que celui venu des autres provinces françaises. Ce trafic, particulièrement actif vers la fin du XVIIIème siècle et seu- lement toléré par le Dey d'Alger, était suspendu les années de disette, et les marchands européens ren- dus responsables de la famine. Les comptoirs étaient alors pris d'assaut et incendiés. Ils le furent en- core pour d'autres raisons : édifications de fortifications malgré les engagements pris, retard trop con- sidérable dans le paiement des droits d'expl_oitation etc... La Calle connut de tels déboires en 1586, 1604, 1637, 1658, 1683, 1744, 1798, 1807 et 1827. C'est précisément le dernier incendie du 18 Juin 1827 que l'artiste a représenté ici. A la suite de ses démêlés avec Alger, la France, ayant décidé de procéder au blocus des côtes algériennes, avait évacué ses Etablissements par crainte de représailles ; le Bey Ahmed chargé par le Dey d'Alger de détruire La Calle, trouva la ville complètement vide et se borna à mettre le feu aux maisons. Les Français revenus en 1836 relevèrent La Calle de ses ruines. -95-